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Parution le 15 mars 2012
Paru le 2 novembre 2009
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30 avril 2007 à 00:58 | Lien permanent | Commentaires (19) | TrackBack (0)
« Le libéralisme, en dit Ségolène Royal, c’est la guerre de tous contre tous ». Cet acharnement contre le libéralisme laisse perplexe. A-t-elle lu Tocqueville et Raymond Aron ? Vrai, Jacques Chirac, avant elle, dans un ultime livre d’entretiens, déclarait que le libéralisme «était une perversion de l’esprit humain ».Le temps lui avait sans doute manqué pour Benjamin Constant et Bertrand de Jouvenel.
Mais comme Ségolène Royal particulièrement, semble ne pas savoir de quoi elle parle et que cette ignorance paraît répandue dans sa famille politique, rappelons, vite, ce qu’est le libéralisme.
Avant toute chose, un libéral respecte le libre arbitre de l’autre : c’est le choix philosophique d’où le libéralisme tire son nom. Ce respect implique que nul ne saurait imposer à un individu ni servage, ni servitude, ni faire obstruction à son choix. Au nom de quelle morale supérieure à l’humanisme, pourrait-on le contraindre ? Aucune qui ne serait librement choisie.
Un libéral, ensuite, considère que la démocratie est un excellent régime politique dans toutes les civilisations, sans exception ; cette passion de la démocratie incite les libéraux à défendre partout les droits de l’homme et à s’opposer aux tyrannies, sans jamais céder à la facilité du relativisme culturel.
Un libéral, enfin, constate l’efficacité expérimentale supérieure de l’économie de marché et des échanges. On parle ici d’expérience car l’économie libérale est fondée sur l’observation des phénomènes concrets : partout grâce aux entreprises et au marché , la pauvreté recule et les sociétés gagnent en équité relative.
Ces trois principes et leurs déclinaisons sont tous enracinés dans l’observation des sociétés humaines , jamais sur des a priori théoriques ; le libéralisme n’est pas une idéologie mais une pratique.
L’antilibéral est-il hostile à ces principes ou les ignore-t-il ?
De fait, il idéalise l’Etat, ce qui avec les libéraux sera un sujet de débat mais ne justifie pas tant de haine. Les libéraux français qui ne sont pas des ennemis de l’Etat ne s’interrogent que sur sa juste configuration : le réflexe libéral, inverse de la monomanie socialiste, est d’évaluer la capacité ou non des individus et du marché à progresser, avant de se retourner vers la solution étatique . On fera tout de même observer que les grandes catastrophes du XXe siècle durent plus aux excès d’Etats devenus fous qu’à trop de libre commerce.
En même temps, la même Ségolène Royal, antilibérale sauvage, défend les petites et moyennes entreprises qui constituent la clientèle naturelle du libéralisme : on s’y perd. Ne serait-elle hostile qu’aux grandes entreprises françaises mondialisées, parce que grandes et mondialisées ? Mais , par la création d’emplois et de richesses, par la distribution des profits aux épargnants, celles-ci font vivre une grande partie de notre société ; on ne comprend toujours pas tant d’antilibéralisme.
Un antilibéralisme si contraire à la vérité historique que probablement , c’est un masque, un code qui désigne autre chose : la détestation des Etats-Unis ?. L’antiaméricanisme, ce puissant fédérateur de la gauche française : quand Ségolène Royal attaque le libéralisme, n’est-ce pas George Bush qu’elle vise ? Elle confond donc les néoconservateurs de la droite américaine avec le libéralisme français, elle mêle des circonstances propres aux Etats-Unis en ce moment particulier avec une excommunication de principe des Etats-Unis. C’est regrettable.
Il faut en conclure que l’antilibéralisme sauvage n’a qu’un rapport lointain avec le libéralisme français de la même manière que l’antisémitisme a peu de relation avec les juifs et que l’antiaméricanisme est très distant des Etats-Unis réels. Cet antilibéralisme, comme un fantasme, décrit celui qui le profère, mais ne nous informe en rien sur la tradition libérale française .
Pour autant , chez les libéraux nul n’exige qu’un candidat se réclame de cette tradition ou ne produise un certificat. Estampillé par qui ? Par chance , il n’existe pas de parti Libéral : la pensée libérale par vocation, dépasse les partis, elle imprègne les mœurs et les activités économiques. Elle est dans l’air du temps, le principe organisateur de la société civile : ce pourquoi, dans les faits, la nation française se révèle de plus en plus libérale, sans que les gouvernements récents n’aient particulièrement agi dans ce sens. On espère seulement que les candidats reconnaîtront mieux une grande école de pensée et d’action qui remonte aux Lumières et nous éclaire toujours .Et qu’ils ne fassent pas absurdement obstacle à l’évolution naturelle et progressiste de la société.
Guy Sorman
26 avril 2007 à 23:40 | Lien permanent | Commentaires (78) | TrackBack (0)
For more than two decades, Socialist and Gaullist leadership has frozen the French State. Socialist President François Mitterrand and Gaullist President Jacques Chirac belonged to a political tradition of state authoritarism and economic interventionism. They ruled like elected monarchs. They increased public spending. As should be expected , they opposed « American imperialism « .
«To lead the French diplomacy, » Chirac famously declared, « you only need to do the reverse of what the US government does, as it is always wrong.»
But finally France is changing.
On April 22, on the first round of our presidential election poll, the French picked two relatively young political leaders, both in their early fifties, on the Left and on the Right. The Left contender is a woman wich by itself shows that french politics is changing . Although Ségolène Royal belongs to the Socialist Party, she is not running for president on a socialist platform. She threw out the Marxist rhetoric which, until then, had been the staple of all socialist politicians, and broke rank with her former comrades. What remains from her Leftist credentials is her vocal hostility to big business—small and medium entrepreneurs are just fine—and her hatred towards George W. Bush. If she were president, she declared that she would never shake hands with him: for sure, a protocol nightmare!
That aside, more than any other Socialist leader before her, Ségolène Royal has pulled her Party closer to the center, sometimes even right of center. Tony Blair is clearly on her mind. Moreover, she does not oppose including members of the Centrist Party in her government. Its candidate, François Bayrou, did well in the first round of the presidential poll but not well enough to make the run-off.
As a confirmation of this tectonic shift of the French Left towards more conservative choices, the unreformed and eternal Communist Party ran 1,5 percent of the votes in the first round of this election , an unprecedented defeat . We still have Trotskyist parties, three under various denominations, but they belong to our political folklore. Actually, the very aim of these far Left parties is not to start a revolution but to forever safeguard the benefits of the public sector trade unions which they represent. Significant as well is the severe defeat of the ecologist and anti-globalization candidates. They have been trounced at the polls despite garnering huge media coverage and a lot of sympathy from our radical chic media journalists. Their anti-progress stance, anti-GMO demonstrations, and pseudo-fear of global-warming all played well on television, but did not sell to the French people; this remains the country of Pasteur after all.
A similar shift has occured on the Right which has landed much further in conservative territory than it ever did in the history of the Gaullist movement. Nicolas Sarkozy, officially a Gaullist, who will probably be the next French President, is not afraid of looking tough on law and order. He said he would send illegal immigrants back to their native lands. This has helped him bring down the National Front, far Right party, to a historically low ebb. As part of a vicious campaign organized by the Left, Sarkozy, part Hungarian and Jew, has repeatedly been called racist, even though he has never displayed any form of xenophobia.
It also comes as a surprise to many that Sarkozy constantly refers to his Christian values and says Pope Jean-Paul II is his hero. Ségolène Royal comes close by hinting that her four children have been baptized. This used to be the secular anti-church French Republic.
More provocatively, Sarkozy is not anti-American. He proved it by obtaining a photo opportunity with George W. Bush at the very beginning of his campaign. True enough, he sometimes tones down his pro-American stance by sending some barbs towards Washington DC, but far less frequently than any US Democrat would.
However, Sarkozy has disappointed die-hard free market advocates by his cautionary approach towards a freer economy. Often times he sounds more like a US liberal than a Milton Friedman disciple. But remember, this is France where any politician fears provoking revolts by attacking the entrenched interests of the public sector. More revealing , if we look at Sarkozy’s record as president of the Hauts-de-Seine local council, which has a budget the size of Belgium , it shows how he has skillfully introduced the privatization of public services as the best way to run this wealthy region near Paris.
This globally conservative and nearly free market shift in the French political landscape is only part of the story. Looking at France only through its political life and chattering class would be a major mistake; in real life, the civil society is ahead of government reforms, as can be easily demonstrated.
Higher education is a significant case study. The teachers' unions have always resisted any modernization of our centralized anti-elitist universities; as a consequence, a huge number of students receive a poor education and obtain degrees which do not lead to economic opportunities. Tired of expecting reforms which are never implemented, private entrepreneurs have opened hundreds of small private universities, all over the country, mostly in academic fields which our conservative faculty despises, like marketing. With a degree from those private universities, each student is almost sure to find a rewarding job. Other uplifting stories happen in the immigrant ghettos. If you were to walk through the Marseille suburbs, you would see that small shops thrive. The immigrant population does not wait for the central government to find a solution for their economic problems. Leading of our rap singers with Arab or African origins , have become entrepreneurs in entertainment and fashion ; they openly advocate capitalism in their lyrics.
Finally, let us remember that the large international private companies based in France may be fair game to the politicians in election time, but they drive the French economy and French exports to the world year-round.
Too often, it is said that France is in a crisis; the French State certainly is, running a huge deficit and employing far too many in the public sector. But French society is finding its way out of the crisis while the politicians run behind. After this presidential election, hopefully, the gap between the French people and their government will become more narrow and the State more in tune with our time. The French people already are.
Guy Sorman
NB : une version de ce texte a été publié dans The Wall street journal , le 27 avril
26 avril 2007 à 22:18 | Lien permanent | Commentaires (33) | TrackBack (0)
Eltsine est mort . Impopulaire en Russie , méconnu en Occident , c'est lui et nul autre qui a supprimé l'URSS pour libérer et les Russes et leurs colonies. C'est lui qui a mis le Parti communiste à la porte . Je rappelais récemment ces vérités premières à Moscou , sur Radio Moscou ; on m' a regardé comme un huluberlu . Attendons : l'Histoire lui rendra raison.
23 avril 2007 à 23:18 | Lien permanent | Commentaires (30) | TrackBack (0)
The Western press is full of stories these days on China's arrival as a superpower. A steady stream of Western political and business delegations visit Beijing, confident of China's economy, which continues to grow rapidly. Investment pours in. Crowning China's new status, Beijing will host the 2008 Summer Olympics.
But after spending all of 2005 and some of 2006 traveling through China-visiting not just her teeming cities but her innermost recesses, where few Westerners go, and speaking with scores of dissidents, Communist Party officials, and everyday people-my belief that the 21st century will not belong to the Chinese has only been reinforce. True, 200 million of China's subjects, fortunate to work for an expanding global market, are increasingly enjoying a middle-class standard of living. The remaining one billion, however, are among the poorest and most exploited people in the world, lacking even minimal rights and public services. The Party, while no longer totalitarian, is still cruel and oppressive.
Its mendacity has been fully displayed in China's AIDS crisis. The problem is gravest in Henan province, where an untold number of poor peasants contracted AIDS during the 1990s from selling their blood plasma-a process that involves having their blood drawn, pooled with other blood and then, once the plasma has been removed, put back into their bodies. China didn't conduct HIV tests and therefore ended up infecting donors by giving them back tainted blood. Victims are now reportedly dying in the hundreds of thousands.
The government's initial reaction was to deny that the problem existed, cordon off AIDS-affected areas and let the sick die (a pattern that the government tried to repeat when SARS broke out). In this case, police barred entry to villages where infected people lived (new maps of the province even appeared without the villages). Forced to acknowledge the problem after the international media began reporting on it, the Party nonetheless continues to obfuscate.
When Bill Clinton visited Henan in 2005 to distribute AIDS medicine, for example, the Party prevented him from visiting the worst-off villages. Instead, in Henan's capital city, he posed with several Party-selected AIDS orphans as the cameras clicked. It was an elaborate public-relations charade: China, with the West's help, was tackling AIDS!
Had Mr. Clinton been given a tour by Hu Jia, a human-rights activist, a far grimmer picture would have emerged. Only 30, he is a democrat and a practicing Buddhist who favors Tibetan independence. In 2004, Mr. Hu gave up studying medicine to look after Henan's sick. Months after Mr. Clinton's photo-op, Mr. Hu and I traveled to one of the villages that the former president missed: Nandawu, home to 3,500 people. It's not hard to visit-you can get past the police checkpoint at the village's entrance by hiding under a tarpaulin on a tractor-trailer, and the police fear AIDS too much to enter the village itself.
What I saw there, however, will remain with me forever. The disease inflicts at least 80% of the families there; in every hovel we entered an invalid lay dying. Most of the sufferers had no medicine. One woman put a drip on her sick husband, a man who has been bedridden for two years and who is covered with sores. What did the bottle contain? She didn't know. Why was she doing this? "I saw in the hospital and on television that sick people had to be put on the drip."
As long as Mr. Hu worked alone to help the sick, bringing them clothes, money and food, the Party left him alone. But he has recently drawn attention to himself by urging the victims to form an organization that can demand more from the government. The Party will sometimes put up with isolated dissent, but it won't tolerate an "unauthorized" association. Several months ago, the government placed Mr. Hu under house arrest in Beijing.
But dissent cannot be stifled everywhere. There has been an explosion of revolts in the vast countryside. The government estimates the number of public clashes with the authorities (some occurring in the industrial suburbs too) at 60,000 a year. But some experts think that the true figure is upward of 150,000 and increasing. When, in late 2006, I reached one village in the heart of the Shaanxi Province after a 40-hour journey from Beijing by train, car and tractor, I saw no trace of an uprising that had taken place a month earlier. Alerted by a text message sent from the village, the Hong Kong press had reported a violent clash between the peasants and the police, leaving people injured and missing or even dead, with the authorities spiriting away the bodies.
I pieced together the reasons that had provoked the uprising. The village had a dilapidated school, without heating, chalk or a teacher. In principle, schooling is compulsory and free, but the Party secretary, the village kingpin, made parents pay for heating and chalk. Then a teacher came from the city who wanted to be paid more than his government wages. He demanded extra money from the parents. Half of the parents, members of the most prosperous clan, agreed; the other half, from the poorer clan, refused.
A skirmish erupted, and the teacher fled. The Party secretary tried to intervene and was lynched. Then the police roared in with batons and guns. The school has reopened, the teacher replaced with a villager who knows how to read and write but "nothing more than that," he admits. The uprisings express peasants' despair over the bleak future that awaits them. Emigration from the countryside might be a way out, but it's not easy to find a permanent job in the city. All kinds of permits are necessary, and the only way to get them is to bribe bureaucrats. The lot of the migrant-and China now has 200 million of them-is to move from work site to work site, earning a pittance at best. The migrants usually don't receive permission to bring their families with them, and even if they could, obtaining accommodation and schooling for their children would be virtually impossible.
The fate of Chinese citizens often depends on where they are from. Someone born in Shanghai is considered an aristocrat and conferred the right to housing and schooling in Shanghai. Someone born in a village, however, can only go to the village school, until a university admits him-a rare feat for a peasant. An American scholar, Feiling Wang, had come to China to study this system of discrimination, which few in the West know about, but the government expelled him.
Villagers often told me that it wasn't the local Party secretary whom they most hated, but rather the family-planning agents who enforce China's one-child policy, often subjecting women to horrific violence. The one-child policy is not only monstrous, it is yielding an increasingly elderly population in need of care-a problem that a poor country like China is unprepared to handle.
Will China's surging economic growth end the rumbling discontent? Not according to the esteemed economist Mao Yushi, under house arrest for asking the government to apologize for the 1989 Tiananmen Square massacre. He doesn't trust the Party's claims of a 10% annual growth rate-and why believe the official statistics when the Party lies so consistently about everything? Doing his own calculations, he arrives at a rate of about 8% per year, vigorous but no "miracle," as some in the West describe it.
Moreover, he believes that the current growth rate isn't sustainable: natural bottlenecks-scarcity of energy, raw materials, and especially water-will get in the way. Also, Mr. Mao says, the fact that investment decisions frequently obey political considerations instead of the market has helped generate an unemployment rate that is likely closer to 20% than to the officially acknowledged 3.5%.
Many in the West think that Chinese growth has created an independent middle class that will push for greater political freedom. But what exists in China, Mr. Mao argues, is not a traditional middle class but a class of parvenus, newcomers who work in the military, public administration, state enterprises or for firms ostensibly private but in fact Party-owned.
The Party picks up most of the tab for their mobile phones, restaurant bills, "study" trips abroad, imported luxury cars and lavish spending at Las Vegas casinos. And it can withdraw these advantages at any time. In March, China announced that it would introduce individual property rights for the parvenus (though not for the peasants). They will now be able to pass on to their children what they have acquired-another reason that they aren't likely to push for the democratization of the regime that secures their status.
Because China's economy desperately needs Western consumers and investors, China's propagandaists do all they can to woo foreign critics. "Do you dare deny China's success story, her social stability, economic growth, cultural renaissance and international restraint?" one Party-sponsored scholar asks me in Paris. I respond that political and religious oppression, censorship, entrenched rural poverty, family-planning excesses and rampant corruption are just as real as economic growth in today's China. "What you are saying is true, but affects only a minority yet to benefit from reforms," he asserts.
Yet nothing guarantees that this so-called minority-one billion people!-will integrate with modern China. It is just as possible that it will remain poor, since it has no say in determining its fate, even as Party members get richer. The scholar underscores my fundamental assumption: "You don't have any confidence in the Party's ability to resolve the pertinent issues you have raised.
" That's true. I don't.
Mr. Sorman is the author of " The year of the Rooster", "Barefoot Capitalism," "The Genius of India" and other books. This article for the Wall street Journal in the US was adapted from the spring issue of the Manhattan Institute's City Journal. For a complete version see: http://www.city-journal.org
20 avril 2007 à 10:14 | Lien permanent | Commentaires (32) | TrackBack (0)
À quoi sert donc une élection ? Aux indécis, aux déçus du lendemain et aux triomphants par avance , rappelons que le premier objet d’une élection , le plus essentiel, c’est le vote lui-même. La démocratie est d’abord un exercice collectif qui soude les nations par-delà leurs divisions internes, qui en écarte la violence collective et qui en éloigne les humeurs mauvaises. Le génie de la démocratie est là , dans cette métamorphose quasi magique de l’agressivité politique en un geste anodin , un bulletin dans l’urne . Partout où ne règne pas la démocratie , le pouvoir se conquiert à la bombe ou à la machette ; les querelles sociales tournent toujours à la guerre civile. Ici, on vote donc pour voter.
Secondement , sinon secondairement on vote pour choisir. Tout en sachant que deux tiers des électeurs –c’est vrai en France mais aussi partout ailleurs – hériteront au bout du compte, d’un Président qu’ils n’auront pas personnellement choisi. Mais est-ce bien grave ? La frustration sera tempérée par les limitations que la Constitution imposera à ce Président ; c’est l’objet de toute Constitution, que d’empêcher le Président de se prendre pour un dictateur. Le Président ne sera donc jamais que le Président , rien de moins mais rien de plus. Dans nos états de droit , la société civile poursuit son propre chemin , quelque soit le Président et parfois cette société progresse plus vite que l’Etat lui-même : la politique , ce n’est jamais que de la politique.
Enfin , il suffit d’attendre : dans cinq ans, le Président ne sera plus Président. La grande vertu des démocraties en disait le philosophe britannique Karl Popper , c’est qu’elles évacuent le chef à date fixée d’avance , sans brutalité. Les démocraties ont ainsi résolu le dilemme fondamental des monarchies et des tyrannies où l’on ne peut de défaire du souverain nécessaire qu’en attendant sa mort , voire en l’accélérant.
Dans l’isoloir , ayons donc , par-delà nos préférences individuelles une pensée pour tous ceux qui, ne vivant pas en démocratie , n’ont le choix qu’entre la servilité ou la révolte. Une pensé aussi pour tous ceux qui , en démocratie ,jouissent de ce bonheur sans vraiment en prendre la juste mesure.
Guy Sorman
19 avril 2007 à 09:39 | Lien permanent | Commentaires (19) | TrackBack (0)
L’historien René Rémond a quitté ce monde, non sans avoir formé plusieurs générations d’étudiants en histoire et en sciences politiques. Souvenir personnel : quand en 1961, j’assistai au premier cours de René Rémond dans le grand amphithéâtre de Sciences Po à Paris, j’en restais stupéfait. Ne connaissant l’histoire que par les chronologies et vignettes de Mallet et Isaac, je découvrais soudain que l’histoire pouvait être autre chose. Ce premier cours était consacré, inoubliable, au rôle de la peur dans la Révolution française. René Rémond ou l’intelligence française et une diction, ah , qui s’est perdue.
À René Rémond, on doit la célèbre distinction entre les droites françaises. Gauche et droite, concepts aujourd’hui universels, n’apparaissent qu’en France avec la Révolution. La droite est donc une création du XIXe siècle, ou plutôt les droites.
On sait que René Rémond en distinguait trois, légitimiste, orléaniste et bonapartiste. Ancrées dans des histoires et allégeances singulières, ces droites correspondent aussi à des analyses et comportements distincts qui ont perduré des origines à nos jours.
Nul doute que René Rémond aurait deviné chez les trois candidats de droite à la présente élection, la continuité : Sarkozy bonapartiste, Bayrou orléaniste et Le Pen (+ Villiers) légitimiste. Ils en ont même le physique .Oui, la grille de René Rémond fonctionne toujours, raison de plus pour que ce grand penseur catholique siège au Paradis.
Guy Sorman
16 avril 2007 à 11:44 | Lien permanent | Commentaires (10) | TrackBack (0)
La campagne en cours pour les élections présidentielles françaises ne ressemble à aucune de celles que nous avions vécues par le passé, pas du tout à ce que l’on attendait et assez peu à ce que l’on voit dans d’autres démocraties. Certaines de ces singularités sont rassurantes, d’autres sont plus troublantes ; mais toutes sans doute annoncent les formes nouvelles de la politique démocratique dans notre monde dominé par l’individualisme et par la communication instantanée.
L’éclatement des normes anciennes et le passage de l’ère des masses au temps de l’individu en quête de gratification immédiate s’avèrent fatals aux grandes idéologies de naguère. Les plus affectés en sont les socialistes qui, pour la première fois, ne se réclament pas réellement du marxisme. La candidate socialiste Ségolène Royal ne se réclame d’ailleurs pas de grand chose puisque sa campagne est entièrement fondée sur l’écoute des citoyens et leur participation. De la lutte des classes et de la promesse du Grand soir, voici la gauche française passée sans transition à la psychothérapie de groupe.
Candidate thaumaturge, Ségolène Royal évolue entre Mère Teresa et les mythes les plus anciens de la monarchie française ; on l’a vu toucher un paralytique à la télévision en un geste antique, entre la compassion moderne et la thaumaturgie des rois médiévaux.
Les partisans de cette nouvelle gauche sans idéologie autre que compassionnelle, en concluent que leur candidate est de son temps, à l’image du Web où chacun s’en va picorer le menu politique de son choix : le Web joue un grand rôle dans la communication de Ségolène Royal. C’est à l’écoute des Français que Présidente, elle prendrait ses décisions : ainsi, interrogée sur sa position vis-à-vis de l’entrée de la Turquie dans l’Union européenne, réplique-t-elle qu’elle se ralliera à la position que les Français lui dicteront. Une Présidente de gauche serait donc peu à gauche ; elle ne conduirait pas la nation, mais serait conduite par celle-ci.
Post-moderne, Ségolène Royal l’est aussi dans sa vie personnelle puisqu’elle n’est pas mariée, mais qu’elle a quatre enfants de son compagnon, qu’elle n’est pas pratiquante mais ses fils ont tous été baptisés, vers douze ans, « lorsqu’ils étaient en âge de comprendre ».
Avec Ségolène Royal, comme l’aurait écrit le philosophe Jacques Derrida, « c’est l’époque qui parle ».
Ce qui subsiste de la gauche classique, marxiste, s’est réfugié dans une myriade de petites candidatures, trotskistes, écologistes, communistes, altermondialistes : des personnages pittoresques qui chacun draine une clientèle nostalgique de 1 à 2% des électeurs. Mais tous relèvent de l’archéologie et du folklore, comme les témoins ultimes d’une époque où l’on croyait encore que le politique pouvait changer la vie. On observera aussi que cette extrême gauche ne se définit plus guère par la révolution qu’elle conduirait ni par la société sans classes qu’elle instaurerait ; sa référence commune n’est plus tant le marxisme que l’anti-libéralisme. Ce n’est plus une extrême gauche de propositions mais un refus du monde tel qu’il est : contre la mondialisation et contre l’économie libre (alors que les socialistes ont, de fait, accepté l’un et l’autre). Interrogé sur son programme, José Bové, rétorque qu’il est « dans la résistance ».
Face à ces deux gauches, l’une post-moderne et l’autre pré-moderne, les droites restent plus classiques. Certes, comme à gauche, les candidats ont aussi abandonné les vastes projets et les grandes ambitions : eux aussi essaient de répondre au cas par cas à des préoccupations immédiates et personnelles de l’électeur. Moins physique que Ségolène Royal, Sarkozy ne touche pas les handicapés, mais le catalogue de ses propositions ne s’inscrit pas plus qu’à gauche dans une vision globale et cohérente de la société. À la question Sarkozy - ou Bayrou – sont-ils libéraux ou non ? il est devenu impossible de répondre tant leurs attitudes varient d’une minute à l’autre en fonction de leurs interlocuteurs et - on le devine - des sondages d’opinion.
Le principe unificateur de ces candidats de droite (Bayrou n’a jamais été qu’à droite au cours de sa longue carrière politique) reste cependant un nationalisme affiché : de ce côté-là, on se dit fier d’être français, plus qu’à gauche. Mais ce que Français veut dire n’est pas toujours clair, selon qu’avec Bayrou ou Sarkozy on y intègre les immigrés et que, selon Villiers et Le Pen, on s’en passe.
Entre la gauche archaïque, le socialisme post-moderne et les droites nationalistes règne un grand consensus, tout à fait surprenant, pour ne pas évoquer les problèmes réels de la France, les responsabilités réelles que le futur Président devra effectivement gérer.
L’économie tout d’abord, stagnante, écrasée par le déficit public et par des réglementations médiévales. Avant la campagne électorale, il n’était pas un éditorialiste doutant que la réduction des dépenses publiques et la libéralisation du marché du travail seraient au cœur des débats ; c’est sur ces sujets que l’on attendait les candidats, de pied ferme, avec des propositions concrètes. Eh bien, les candidats sont partis ailleurs ! Ségolène Royal nous entretient du baptême de ses enfants et Nicolas Sarkozy disserte sur la part respective de l’inné et de l’acquis dans la détermination des comportements pédophiles. Nous attendions de la haute politique, voire un peu d’économie et nous obtenons de la basse psychologie épicée de philosophie de comptoir.
Outre l’économie, l’autre responsabilité véritable qui sera celle du Président, tout aussi éludée au cours de la campagne, est la politique étrangère et militaire de la France. Que fera le Président en Europe et dans le reste du monde ? Quelle sera son attitude envers les Etats-Unis, la Russie, les droits de l’homme en Chine ? Dans quelles circonstances interviendrait l’armée française, déjà présente en Afrique, en Yougoslavie, en Afghanistan ? Dans quel péril la force nucléaire pourrait-elle servir ? Et le terrorisme qui nous assiège, et l’Iran ? On ne sait pas. Ceci est d’autant plus troublant qu’au terme de notre Constitution, telle que le Général de Gaulle l’a conçue en 1958, le Chef de l’Etat est avant tout le garant de la sécurité nationale ; l’économie est en principe le domaine du gouvernement et du Parlement que nous désignerons plus tard, en juin.
C’est l’époque qui parle. Sans doute, les candidats ne sont-ils pas totalement responsables de leur propre dérive psychologique. Ils ne font que répondre aux attentes d’individus en état de désir plutôt qu’en situation de citoyenneté. Raisonnant en termes de bonheur personnel et de rétribution immédiate, ces individus perçoivent le futur Président en père tutélaire, en mère aimante et en psychothérapeute de quartier. Ils ne veulent pas, à ce stade, entendre des déclarations tragiques à résonance historique. Pour comprendre cette campagne électorale, il est donc inutile de se reporter à l’histoire de France ni aux manuels d’économie ; lisons plutôt la presse people et souvenons-vous de Lady Di.
11 avril 2007 à 17:40 | Lien permanent | Commentaires (25) | TrackBack (0)
Le Darfour , théâtre de massacres de masse de populations civiles, de déplacements monstrueux de femmes et d’enfants réfugiés ; mais aussi une scène médiatique où les stars de l’écran et de la pensée vont se faire photographier. On ne dénoncera jamais assez les génocides : mais par-delà les postures et les bonnes intentions, que se passe-t-il réellement au Soudan ?
Si j’en crois le plus haut diplomate français en poste à l’ONU, Jean-Marie Guéhenno, secrétaire général adjoint chargé des opérations de maintien de l’ordre, toutes les tribus qui composent le Soudan souhaitent s’attribuer une part aussi importante que possible des ressources pétrolières du pays : c’est le fonds de l’affaire , une situation pas tellement différente de l’Irak.
Le gouvernement central à Khartoum s’appuie sur des tribus dites arabes ( en vrai , métis, évidemment ) à qui il redistribue des fonds , contre d’autres tribus dites africaines (mais tous sont musulmans) privées de leur quote-part. Les exclus passent donc des accords entre eux et avec des opposants de Khartoum pour prendre le pouvoir au centre et les prébendes ; contrairement à ce que l’on lit ou entend, ces opposants ne sont pas toujours moins islamistes, parfois ils le sont plus que le gouvernement actuel . Hassan el Tourabi, maître à penser de Ben Laden, qui vit à Khartoum, joue à ce jeu . À Khartoum qui, il y a dix ans, ressemblait à un campement nomade et a maintenant des allures de Dubaï.
Au Darfour, il n’existe donc pas de solution locale ; s’il s’y trouve des assassins et des victimes, la répartition entre bonnes et méchantes tribus ou entre musulmans de progrès et musulmans radicaux, n’est pas évidente , contrairement à ce qu’en disent George Clooney, Mia Farrow et Bernard Henri Lévy
Comment intervenir de l’extérieur ?
Aux Etats-Unis, les mêmes qui demandent un retrait de l’Irak exigent une intervention au Soudan : George W. Bush a donc tort dans tous les cas de figure, quand il y va et quand il n’y va pas. Mais toute intervention peut conduire à un scénario irakien ; de plus, et c’est déjà le cas, les interventions humanitaires et la création de zones de sécurité (aujourd’hui mal garanties par l’armée de l’Organisation de l’unité africaine) conduisent à de gigantesques mouvements de population qui s’agglomèrent dans d’ingérables camps de réfugiés.
Et la Chine ? On lui fait grief de bloquer toute intervention de l’ONU au Soudan car elle privilégie ses bonnes relations avec un fournisseur de pétrole. Plus encore, le Parti communiste chinois, songeant à la répression au Tibet et au Turkestan oriental, ne veut pas autoriser un précédent dangereux pour lui. Mais ce refus de la Chine n’arrange-t- il pas les autres membres du Conseil de sécurité et l’ONU en général ? Car s’il fallait intervenir, comme le ferait-on en pratique ?
La seule solution serait un gouvernement démocratique et une répartition entre tous des ressources naturelles : ce n’est pas la mission de l’ONU, ce n’est pas non plus celle des Etats-Unis et l’Europe est ailleurs.
La communauté musulmane ? Elle ne s’accorde que contre Israël mais jamais pour résoudre ses guerres civiles.
New-York , avril 2007
10 avril 2007 à 12:53 | Lien permanent | Commentaires (14) | TrackBack (0)
Hugo Chavez est-il populaire en dehors du Venezuela ? Ou n’est-ce qu’une invention médiatique ?
À Buenos Aires, les commentateurs se demandent combien ont perçu les manifestants qui se sont rassemblés dans un stade de la ville pour acclamer ce nouveau Castro, le jour même où George W Bush visitait Montevideo sur l’autre rive du Rio de la Plata ? Ici, en Argentine, nul ne doute que la claque estimée à cinq mille personnes fut rémunérée. Probablement quarante Dollars US par personne, ce qui n’est pas négligeable pour cette moitié d’Argentins qui vivent dans la misère sous le règne d’un certain Kirchner, ami proclamé de Chavez. Une amitié toute circonstancielle, scellée par l’argent du pétrole : le Venezuela fort des Dollars gagnés sur le marché des Etats -Unis, utilise une partie de ses ressources pour acheter des Bons du trésor à l’Etat argentin. Un Etat véreux et historiquement incapable ni d’équilibrer ses comptes ni de rembourser sa dette internationale, même après en avoir annulé les trois quarts.
Par-delà ces accords de coquins et copains, Chavez joue sur un velours toujours gagnant en Amérique latine qui est l’hostilité de principe aux Yankees : une posture sans risque puisque les Etats -Unis s’en moquent et ne réagissent guère. Ces même latino- américains s’empressent de placer leur épargne aux Etats- Unis s’ils en ont, d’y acheter des immeubles s’ils le peuvent, d’y envoyer leurs enfants étudier si possible et d’y vendre leur café, leur pétrole ou leur soja (voire leur cocaïne tant apprécié des Nord -américains).
Chavez n’est donc pas une réelle alternative au modèle mondialiste et libéral ; au contraire de Castro , sans une URSS derrière lui, il fait l’histrion plus que la révolution , en tout cas, en Argentine , au Brésil ou en Uruguay.
Sans doute pèse-t-il plus lourd dans la monde andin, en Bolivie , en Equateur et au Pérou ; là, c’est Chavez le métis que l’on acclame, parce que cet homme de couleurs fait la nique aux blancs. Car dans ces pays, interpréter le débat politique, en termes purement politiques , droite et gauche , libéraux et étatistes , c’est ignorer ou feindre d’ignorer que le partage est racial , entre ceux qui ont tout et ceux qui n’ont rien.
En Bolivie, allié privilégié de Chavez, il est clair que la nationalisation du pétrole et du gaz est vécue comme une restitution aux Indiens contre les Blancs. Malheureusement, sans effet. Car l’Etat bolivien s’avère incapable de gérer ce qu’il a confisqué : les Indiens n’en sont pas plus avancés.
Enfin, si Chavez était vraiment dangereux pour la stabilité du continent, les Etats -Unis achèteraient leur pétrole ailleurs, en Afrique par exemple. Ce qu’ils feront bientôt et de plus en plus : les jours de Chavez sont comptés, autant que ceux de Castro mais pas pour la même raison.
Buenos Aires, 4 avril 2007
06 avril 2007 à 15:13 | Lien permanent | Commentaires (20) | TrackBack (0)
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