Sarkozy qui n’est pas du genre à changer d’avis , et qui a survécu aux municipales, revient vers Jaques Attali. Pour preuve, la création de deux secrétariats d’Etat inspirés par le rapport Attali , l’aménagement du territoire et l’économie numérique . L’ un proposera de simplifier le mille- feuilles administratif et envisagera de créer des nouvelles villes écologiques . L’autre poussera les Français vers le haut débit et le tout numérique .
Ces ambitions sont légitimes ; la méthode , elle , laisse sceptique . Mais pour avoir manifesté ici, à plusieurs reprises , ce scepticisme sur le rapport Attali , je me suis attiré une grande incompréhension : Attali n’est-il pas devenu libéral ? Ne devrait –on pas s’en réjouir ? Je confesse, l’autocritique est parfois nécessaire , avoir été péremptoire à l’excès et d’avoir trop légèrement taxé Attali d’obscurantisme : j’ai eu tort . Ce ne sont ni le savoir d’Attali, ni ses propositions que je conteste mais la manière d’aboutir .
Précisons . Il me paraît que deux politiques économiques sont possibles.
La première est volontariste , celle d’Attali : on réunit des experts, ils tracent un chemin , l’Etat exécute. Ces experts exigent la destruction des rentes , l’investissement dans l’intelligence , les simplifications administratives , le dynamisme obligatoire.
Très bien, sur le papier . Mais ce faisant , on soulève des foules menacées par la ruine ou qui, tout simplement, ne comprennent pas ce qu’on leur reproche . On balaie aussi, ce faisant, quelques traditions non économiques mais qui ont leur valeur et leur utilité comme la démocratie locale à laquelle participent cinq cent mille citoyens bénévoles.
Surtout, est-on certain de ne pas se tromper d’avenir ?
Obéissant aux mêmes principes de l'expertise prophétique , on a connu en France , le succès de l’énergie nucléaire –unique- et des échecs à répétition : le Concorde , le Plan Calcul, Les Villes nouvelles , le Centre mondial de l’informatique , le Plan Câble. Le Plan Calcul nous avait doté d’une entreprise en faillite perpétuelle, Bull mais c’est ailleurs que se sont créés Microsoft et Google . Erreur de la méthode française peut-être ?
Voici pourquoi, au lieu du Plan Attali j’aurais souhaité que l’on en revienne au rapport antérieur de Michel Camdessus . Lui recensait les obstacles à la croissance : il proposaitde les lever et de permettre aux entrepreneurs actuels et surtout futurs , de faire le reste . C’est une conception vraiment libérale et spontanéiste de l’économie : c’ était celle de Jean Pierre Raffarin que Jacques Attali méprise ; on ne partage pas le mépris d’Attali.
On craindra que l’application du rapport Attali -Sarkozy , suscite des émeutes légitimes tout en laissant intacts les Himalayas fiscaux , réglementaires , bancaires hostiles au dynamisme des entrepreneurs . Craignons aussi qu’Attali nous accable de plusieurs Plans Calcul ou équivalents . Donc , pour reprendre l’aphorisme célèbre de Hayek, Attali est partisan de l’ordre décrété contre l’ordre spontané. L’ordre spontané supposerait un léger retrait de l’Etat ; Attali renforce l’Etat et lui octroie du Génie . Sarkozy aime cela. L’un et l’autre s’inscrivent dans la longue tradition du despotisme éclairé qui selon les époques, change de nom : ce fut le « modèle français « ; on parle maintenant du « volontarisme ». Nous restons singuliers , la gloire mais au profit de qui ? .
Ca coûte combien 2 millions de bazar numériques divers supplémentaires... Et tous fabriqués en Chine ?
Rédigé par : Ozenfant | 15 mars 2008 à 11:21
" Je confesse […] avoir trop légèrement taxé Attali d’obscurantisme"... Effectivement, vous auriez pu avoir la main plus lourde;) Mais obscurantisme n’est pas le mot juste. POUVOIR me semble plus à propos. Car voyons, la raison d'être de l'homme politique, c'est l'exercice du POUVOIR, donc, le volontarisme, ou disons plutôt, le démiurgisme. Comment voulez-vous que ces petits dieux, le dieu de l’économie, le dieu de la justice, le dieu de l’éducation, et leurs conseillers (parfois des dieux déchus, ce sont les pires) etc… chapeautés par l’omni-dieu du moment, promulguent des lois qui leur ôtent leur pouvoir même? Qu’ils scient la branche céleste sur laquelle ils sont assis? Mais vous rêvez, mon cher Guy. Le politique a remplacé l’ecclésiaste. Les lambris Elyséens le faste Versaillais. Mais les hommes (et maintenant les femmes), leur orgueil et leur soif de pouvoir sont les mêmes.
Rédigé par : ETF | 15 mars 2008 à 12:35
Je ne sais si vous avez, M. Sorman, fait preuve d'obscurantisme à l'égard de cet énergumène mais une chose est certaine, vous avez surtout réagi avec un esprit critique qui vous honore et est - à mes yeux - bien plus à même de faire avancer le débat que la vision étatiste-jacobine ce quidam relançant une démarche qui a fait preuve de son inanité profonde!
Comme le dit très justement ETF, pour ces personnes, il ne peut être question de créer une zone de "flottement"où le dirigisme cèderait la place à la souplesse car cela induirait une remise en cause de leur pouvoir, donc de leurs prébendes!
Pour un peu, on se croirait vivre en d'autres temps... légèrement "absolutistes"...
La question est donc -reste - comment amener notre pays à bouger, évoluer afin de réellement faire évoluer notre situation qui n'a cessé de se dégrader depuis 30 ans? J'avoue être pris un peu de court car je n'ai encore trouvé aucune réponse satisfaisante... la seule chose qui me rassure, c'est que je ne suis pas le seul... mais est-ce suffisant? J'en doute...
Rédigé par : dardevil99 | 15 mars 2008 à 15:23
Œuvres françoises de Bonaventure Des Périers
Nouvelle N° 88: D'un singe qu'avoit un abbé, qu'un Italien entreprit de faire parler.
>>Un monsieur l'abbé avoit un singe, lequel estoit merveilleusement bien né: car, oultre les gambades et les plaisantes mines qu'il faisoit, il congnoissoit les personnes à la phisionomie; il congnoissoit les sages et honnestes personnes à la barbe, à l'habit, à la contenance, et les caressoit; mais un page, quand bien il eust esté habillé en damoiselle si l'eust-il discerné entre cent aultres: car il le sentoit à son pageois incontinent qu'il entroit en la salle, encores que jamais plus il ne l'eust veu. Quand on parloit de quelque propos, il escoutoit d une discretion, comme s il eust entendu les parlans, et faisoit signes assez certains pour montrer qu'il entendoit; et, s'il ne disoit mot, asseurez vous qu'il n'en pensoit pas moins. Brief, je croy qu'il estoit encores de la race du singe de Portugal qui jouoit si bien aux echetz. Monsieur l'abbé estoit tout fier de ce singe et en parloit souvent en disnant et en souppant. Un jour, ayant bonne compaignie en sa maison, et estant pour lors la court en ce pays là, il se print à magnifier son singe. « Mais n'est-ce pas là, dit-il, une merveilleuse espèce d'animal? Je croy que nature vouloit faire un homme quant elle le faisoit, et qu'elle avoit oublié que l'homme fust faict, estant empeschée à tant d aultres choses. Car, voyez-vous, elle lui fit le visaige semblable à celuy d'un homme, les doigtz, les mains, et mesme les lignes escartées dedans les paulmes, à un homme. Que vous en semble? Il ne lui fault que la parolle que ce ne soit un homme; mais ne seroit-il possible de le faire parler? On apprend bien à parler à un oyseau, qui n'ha pas tel entendement ni usage de raison comme ceste beste-là. Je voudrois, dit-il, qu'il m'eust cousté une année de mon revenu et qu'il paslast aussi bien que mon perroquet; et ne croy point qu'il ne soit possible: car, mesme quand il se plaint ou quand il rit, vous diriez que c est une personne et qu'il ne demande qu'à dire ses raisons; et croy, qui voudroit ayder à ceste dexterité, qu'on y parviendroit. » A ces propos, par cas de fortune, estoit present un Italien, lequel, voyant que l'abbé parloit d'une telle affection et qu'il estoit si bien acheminé à croire que ce singe deust apprendre à parler, se presente d'une asseurance (qui est naturelle à la nation) et va dire à l'abbé, sans oublier les reverences, excellences et magnificences: « Seigneur, dit-il, vous le prenez là où il le fault prendre, et croyez, puisque nature ha faict cet animal si approchant de la figure humaine, qu'elle n'ha voulu estre impossible que le demeurant ne s'achevast par artifice, et qu'elle l'ha privé de langage pour mettre l'homme en besongne et pour montrer qu'il n est rien qui ne se puisse faire par continuation de labeur. Ne lit-on pas des elephans qui ont parlé, et d'un asne semblablement? (Mais plus de cent, eussé-je dict voulentiers.) Et suis esmerveillé qui ne se soit encore trouvé roy, ny prince, ny seigneur, qui l ait voulu essayer de ceste beste, et dy que celui-là acquerra une immortelle louange qui premier en fera l experience. » L'abbé ouvrit l'oreille à ces raisons philosophales, et principalement d'autant qu'elles estoyent italicques, car les François ont tousjours eu cela de bon (entre aultres mauvaises graces) de prester plus voulentiers audience et faveur aux estrangers qu'aux leurs propres. Il regarde cest Italien de plus près avec ses gros yeux et luy dist: « Vrayement, je suis bien aise d'avoir trouvé un homme de mon opinion, et y ha longtemps que j'estois en ceste fantaisie. » Pour abbreger, après quelques aultres argumens alleguez et deduicts, l'abbé, voyant que cest Italien faisoit profession d'homme entendu, avec une mine qui valloit mieux que le boisseau, luy va dire: « Venez cà; voudriez vous entreprendre ceste charge de le faire parler? -Ouy, Monseigneur, dit l'Italien je le vouldrois entreprendre. J'ay aultresfois entrepris d'aussi grandes choses, dont je suis venu à bout. -Mais en combien de temps? dit l'abbé, -Monsieur, respondit l'Italien, vous pouvez entendre que cela ne se peut pas faire en peu de temps. Je voudrois avoir bon terme pour telle entreprise que celle-là et si incongnue: car, pour ce faire, il le faudra nourrir à certaines heures, et de viandes choisies, rares et precieuses, et estre environ nuict et jour. -Et bien! dit l'abbé, ne parlez point de la depense: car, quelle qu'elle soit je n'y espargneray rien; parlez seulement du tems. » Conclusion, il demanda six ans de terme; à quoy l'abbé se condescendit et luy fait bailler ce singe en pension, dont l'Italien se fait avancer une bonne somme d'escus, et prend ce singe en gouvernement. Et pensez que tous ces propos ne furent point demenez sans apprester à rire à ceulx qui es toyent presens, lesquelz, toutesfois, se reservoyent à rire pour une aultre fois tout à loisir, n' en voulant pas faire si grand semblant devant l' abbé. Mais les Italiens qui estoient de la congnoissance de cet entrepreneur s'en portèrent bien faschez, car c'estoit du temps qu'ilz commençoyent à avoir vogue en France, et, pour ceste singerpedie, ilz avoyent peur de perdre leur réputation. A ceste cause, quelques-uns d'entre eulx blasmèrent fort ce magister, luy remontrans qu'il deshonoroit toute la nation par ceste folle entreprinse, et qu'il ne devoit point s'adresser à monsieur l'abbé pour l'abuser; et que, quand il seroit venu à la congnoissance du roy, on luy feroit un mauvais party. Quand cest Italien les eust bien escoutez, il leur respondit ainsi: « Voulez vous que je vous die? Vous n'y entendez rien, tous tant que vous estes. J'ay entrepris de faire parler un singe en six ans; le terme vaut l'argent, et l'argent le terme. Ilz viennent beaucoup de choses en six ans: avant qu'ilz soyent passez, ou l'abbé mourra, ou le singe, ou moy-mesme par adventure; ainsi j'en demeureray quicte. » Voyez que c'est que d'estre hardy entrepreneur! On dit qu'il advint le mieux du monde pour cest Italien. Ce fut que l'abbé, ayant perdu ce singe de veue, se commenca à fascher de mode qu'il ne prenoit plus plaisir en rien, car il faut entendre que l'Italien le print avec condition de luy faire changer d'air, avec ce qu'il se disoit vouloir user de certains secretz que personne n'en eust la vue ny la congnoissance. Pour ce, l'abbé, voyant que c'estoit l'Italien qui avoit le plaisir de son singe, et non pas luy, se repentit de son marché et voulut ravoir son singe. Ainsi l'Italien demeura quitte de sa promesse, et cependant il fit grand chère des escus abbatiaux.<<
Que chacun trouve dans cette histoire ce qu'il veut.
S'agissant de la situation actuelle de la France, le président Sarkozy me fait penser à un bourgeois ruiné qui jouerait les bijoux de sa femme au poker, convaincu de ne pouvoir relever la tête s'il ne s'en remet pas au hasard.
Rédigé par : PaulNizan | 15 mars 2008 à 21:51
Superbe analyse, je vais la poste sur mon blog !
Rédigé par : Quimboiseur | 16 mars 2008 à 09:45
Je ne connaissais M. Camdessus que de nom. Mais suite au nouveau post, brillant comme à l'accoutumée, de M. Sorman sur le Rapport Attali, je suis allé voir sur Google le rapport Camdessus.
Quelle découverte! Tout y est! Le diagnostic, les remèdes.
Je m'interroge: alors que nous avons tant d'hommes et de femmes brillants en France, comment se fait-il que nos politiques soient aussi médiocres?
Question subsidiaire, pourquoi le bon peuple de France vote-t-il pour des politiques médiocres?
Serions-nous un peuple médiocre? Y a-t-il un espoir de sortir de cette médiocrité?
Rédigé par : El Oso | 16 mars 2008 à 10:54
Je vous trouve Monsieur Sorman un peu sévère à l'égard de Sarkozy. Je pense que Sarkozy même s'il est loin d'être un pur libéral est le président le plus libéral de la cinquième République. Je le qualifierais de libéral dirigiste ou de dirigiste libéral. C'est quelqu'un qui est favorable à la baisse des dépenses publiques et il a critiqué le modèle social français alors que Villepin et Chirac ne cessaient eux de vanter le modèle social français. Certes Sarkozy veut remettre en cause l'indépendance de la banque centrale européenne et il veut une Europe protectionniste qui lutterait contre les délocalisations mais il est néanmoins conscient de la faillite du modèle social français. C'est quelqu'un qui a un style dirigiste mais il est conscient des réformes à faire.
Rédigé par : André | 16 mars 2008 à 15:58
@André
Le problème, c'est que sa conscience, on s'en fout un peu... On attend des actes, de la hauteur, et des résultats que l'on pourrait envoyer à la figure de ceux qui ignorent la réalité du monde qui change. Personnellement, qu'il ait un poster de Hayek ou de Marx dans sa chambre, je m'en fous. Ce que nous sommes par contre en droit d'attendre de lui, c'est qu'il remette sa pantoufle de verre pour donner à la France ce qu'elle attend de lui.
Rédigé par : PaulNizan | 16 mars 2008 à 16:37
A propos de Sarkozy comme dirigiste, il est soupçonné de laxisme vis à vis de l'escroquerie scientologue qui fleurit à merveille aux Etats -Unis.
Monsieur Sorman vous qui connaissez bien la différence entre les Etats-Unis et la France, qu'est-ce que cela vous inspire ?
Rédigé par : soliv | 16 mars 2008 à 22:16
Je faisais partie de ceux qui vous avaient un peu critiqué à la suite du post sur Attali. Je reviens juste pour dire que je suis ravi de ce nouveau post qui clarifie la démarche et propose enfin de revenir au remarquable rapport Camdessus.
A propos, je m'interrogeais, quels sont vos rapports avec le pouvoir ? certains vous approchent-ils ? comment pourriez-vous peser davantage autrement que par la publication d'un bouquin, car de façon générale même pour les autres économistes, peu font date en général malheureusement. Avez-vous envisagé la création d'un think tank ? (ou peut-être en faites-vous déjà partie d'un ?)
Rédigé par : Boris | 17 mars 2008 à 09:34
A propos des municipales d'hier, qui joueront elles aussi sur le futur de J. Attali:
Pour guérir un malade, il faut savoir mettre le doigt où çà fait mal !
Je développe une théorie qui n'en est pas une, tellement c'est une Lapalissade:
"C'est paradoxalement grâce à la nullité du couple Hollande en 2007 que le PS a gagné les municipales en 2008 !"
Élections Municipales 2008 ou l’alternance contrariée ! http://blog-ccc.typepad.fr/blog_ccc/2008/03/lections-munici.html#comments
Rédigé par : Ozenfant | 17 mars 2008 à 09:44
Très bonne analyse, quoique sur Camdessus (qui n'a pas brillé au FMI que je sache, voir l'Argentine) je ne partage pas votre avis. Mais quand à Attali, il est plus fort au plagiat qu'au génie (voir "une brève histoire du Temps ouvrage pour lequel il a été condamné mais dont il se glorifie toujours), quand à Attali s'il était un tant soit peu génial ça se saurai.
Rédigé par : Gerard | 17 mars 2008 à 11:30
Autre sujet intéressant, la situation en Turquie, qui préfigure peut-être ce à quoi sera un jour confrontée l'Europe: laïcité contre démocratie...
http://www.lemonde.fr/europe/article/2008/03/17/en-turquie-le-parti-du-premier-ministre-recep-tayyip-erdogan-est-menace-d-interdiction_1024077_3214.html#ens_id=1023217
Rédigé par : ETF | 17 mars 2008 à 15:04
"L’ un proposera de simplifier le mille-feuilles administratif"
Impossible , pensez donc, ça ferait baisser le nombre de fonctionnaires...
"envisagera de créer des nouvelles villes écologiques."
Un bel exemple de constructivisme.
"L’autre poussera les Français vers le haut débit et le tout numérique ."
Chouette un nouveau PLAN CALCUL.
Rédigé par : Patrick Madrolle | 17 mars 2008 à 19:23
Lionel Jospin vole t’il au secours de Sarkozy ? http://blog-ccc.typepad.fr/blog_ccc/2008/03/lionel-jospin-v.html#comments
Rédigé par : Ozenfant | 22 mars 2008 à 10:47