C'est toujours à Silicon valley qu'est l'action . Tout y est permis ( l'esprit de la frontiére et peu de régles ) et tout y est possible . Si tous les acteurs de la technologie de l'information n'y sont pas installés ( Skype est en Estonie ), tous y passent obligatoirement, commente Francis Pisani , le bloggeur du Monde qui vit à Berkeley. Les entrepreneurs trouvent là , la technique , les banquiers , les annonceurs , le milieu culturel , les débats. Le secret de la région , ajoute Kevin Kelly , le fondateur du magazine Wired ( revendu à Condé Nast ) , c'est l'immigration : en bas , les Mexicains se chargent de l'entretien et les meilleurs chercheurs du monde entier inventent les Webs à venir . Alan Eustace , qui dirige la recherche chez Google , confirme . "Combien de nations sont-elles représentées chez Google ?" -"Autant qu'à l'ONU" , répond Alan. Google: on a beau avoir tout lu sur le sujet , c'est à voir . On ne dit pas entreprise mais campus . De fait , à Mountain View, à côté de l'Université Stanford , c'en est le prolongement . Pas de bureaux mais des aires de jeu , des coiffeurs , des cafés , des salons de massage , ouverts 24 heures sur 24 . On n'a pas de bureau mais des projets que l'on réalise seul ou en équipe , par affinité . Une questin à Alan Eustace : " Quand pourra-t-on enfin , classer les recherches sur Google , par la chronologie ?"Il est , dans la plupart des cas , impossible de dater les documents .- " Google y travaille , admet Eustace, mais ce ne sera pas simple ni immédiat ".
Et aussi :" Google , n'est-ce pas trop américain dans la mesure où les sites sont classés en fonction de leur popularité plus que de leur qualité estampée par des experts"? -"Ouais , admet Alan Eustace , mais la sagesse populaire ( wisdom of the crowd ) vaut bien celle des experts.". Google ne promet d'ailleurs rien d'autre : ce n'est pas un concours d'intelligence mais un moteur de recherche. En vingt langues : ce qui tend à prouver que la sagesse populaire n'est plus seulement un concept américain. Même s'il l'est au départ.
Google , un jour sans doute , trouvera son maître ; comme Microsoft qui n 'est plus un monopole. Mais ce sera sans doute à Silicon Valley . Pourquoi s'installer ailleurs puisque tout est déja là ? Et quelle ville au monde offrirait la même qualité de vie , du climat aux salaires en passant par le cosmopolitisme . Pékin, Paris, Bangalore ?
Quand le capital est accumulé en un lieu , observe Michael Bernstam ( Hoover , Stanford) , il devient difficile de le contourner : les Etats-Unis , en revenu par habitant , ont dépassé l'Europe et le reste du monde en 1820 . Nul ne les a rattrapés depuis lors , crise ou pas crise . Le trend de croissance américain est de 2% par an , plus 1% de croissance démographique , soit 3% en tendance longue . Certaines nations peuvent rattraper leur retard sur ce trend mais aucune ne l'a jamais dépassé . Pour le dépasser , il faudrait inventer des techniques plus performantes que celles des Etats-Unis ; or nul n' y parvient ni ne réunit les conditions intellectuelles ou économiques ( il y faut du capitalisme sauvage plutôt que de la réglementation ) . Envisageons , dit Berstam ( d'origine russe ) , que le métier de l'Amérique , sa spécialité , est l'innovation ; celle de l'Europe , la tradition. Chacun sa niche.
Palo Alto , 19 juillet 2008.
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