La crise
financière et la récession de 2008, crise et récession pas encore terminées, loin s’en faut,ont porté un
coups sévère à la légitimité de l’économie libre et à la réputation des
marchés. La pensée économique dominante favorable au libéralisme depuis les
années 1980 , a cédé aux sirènes de la théorie
keynésienne ou relance par la
dépense publique : la crise , nous assure-t-on de ce côté-là , aurait été
causée par un recul des Etats et un excès de déréglementation. Sortir de la
crise exigerait donc un retour massif de l’intervention publique : ce que, de fait, nous constatons dans toute l’Europe et aux Etats-Unis. Mais, ce
qu’il faut bien appeler « L’ affaire grecque » devrait modifier
radicalement l’alternative simpliste entre le marché et les Etats. Les marchés
sont évidemment imparfaits, aucun économiste libéral n’en doute. Mais, de
cette imperfection du marché libre , on ne peut pas décemment conclure en la
perfection de l’intervention publique. On peut même envisager que la gestion
publique est plus dangereuse encore que la gestion privée , la réglementation publique tout aussi aléatoire que la
déréglementation: appelons cela, la preuve par la Grèce.
Car la
falsification de la comptabilité publique grecque et les turpitudes qu’elle
révèle, ce n’est pas seulement une erreur comptable. Masquer le déficit réel
du budget de l’Etat grec aura exigé un gigantesque réseau de complicités
incluant toute la classe politique, la bureaucratie publique et les banques.
Ce réseau de complicités n’est pas limité à la Grèce : il a nécessairement
englobé ses partenaires européens, les dirigeants politiques de l’Europe,
les gestionnaires de la zone euro, les dirigeants de la Banque centrale
européenne ( Jean Claude Trichet en privé n’a jamais nié qu’il connaissait la
véritable situation comptable de la Grèce et de l’Italie ) et la Commission
européenne. On ne peut pas croire que la Direction générale des affaires économiques et financières à
Bruxelles, ignorait la réalité
grecque ; et on s’étonnera que l’institut statistique de la Commission
européenne, Eurostat, publie depuis des années des chiffres délibérément faux
à faire pâlir d’envie les fausses notations des agences privées impliquées dans
la crise de 2008.
Quelle
pouvait bien être la raison cachée de ce mensonge d’Etat collectif? Sans
doute , faire croire qu’il existe une zone euro , une monnaie commune destinée
à concurrencer le dollar américain. Rappelons que la vertu théorique de l’ euro
est de faire baisser les taux d’intèrêt en Europe : plus une monnaie est
solide , plus les taux sont bas ce qui favorise le développement économique (
ou dans le cas de l’Espagne et du Portugal , la spéculation immobilière ). Les
Européens avaient donc tout avantage à couvrir la Grèce pour protéger l’euro .
Qui a révélé
la supercherie ? Non pas les autorités
grecques ni les autorités européennes mais les « affreux »
spéculateurs privés. L’ Etat grec , à son grand désespoir , a soudain découvert
qu’il ne pouvait plus vendre ses Bons du Trésor sur les marchés financiers au
même cours que les Allemands : les opérateurs sur les marchés , ont décidé
que l’ euro grec n’était plus l’équivalent d’un euro allemand. Devrait-on
inculper ces opérateurs privés pour avoir révélé une réalité que les gouvernements
occultaient ? Mais ces opérateurs privés ont le devoir professionnel de
générer des profits pour le compte de leurs clients , souvent des fonds de
retraite . Tandis que les opérateurs publics ont eux, en principe,le devoir de
gérer l’euro selon des règles prévisibles et transparentes. Il serait donc
inconvenant d’accuser les opérateurs privés d’attaquer l’euro: si l’euro
était au-dessus de tout soupçon, il ne serait pas attaqué .
Et par-delà
l’affaire grecque ,il devient soudain évident que l’ensemble de la zone euro
est maintenant fragilisée par une exécrable gestion publique dans tous les
Etats concernés . Aucun gouvernement de
la zone euro , le plus vertueux restant tout de même l’Allemagne , ne respecte
les deux fondements de l’euro , soit un déficit public inférieur à 3% de la
Production intérieure brute et une dette
publique inférieure à 60%de cette PIB. Après la Gréce , les Etats les plus
endettés sont l’Irlande , l’Espagne et
l’Italie , suivis d’un second peloton avec la France et le Portugal.
Comment la
zone euro est-elle devenue aussi hétéroclite, globalement mal gérée et à terme,
imprévisible ? Les traditions locales – l’Etat dépensier en France,
l’Etat menteur en Grèce – n’ont pas disparu et il s’y est ajoutée la
catastrophe keynésienne. Au nom de la crise , l’idéologie keynésienne a conduit
à une sorte de renationalisation de l’économie . Ce retour des Etats nous aura
peut-être sauvés d’une récession plus profonde : on ne saurait le prouver
ni le contredire puisque cette Grande
crise n’a pas eu lieu. Mais il est prouvé
ou au moins très probable que le
retour des Etats et l’idéologie keynésienne nous lèguent un euro fragile et des
dettes publiques ingérables. On ne peut exclure des faillites d'Etat sur le modèle argentin ou au moins, une ruineuse inflation pour "faciliter" le remboursement de la dette publique au prix de l'appauvrissement général.
L’èconomie est une science cruelle parfois, puisqu’elle n’obéit pas aux injonctions politiques : elle n’offre le choix
qu’entre des solutions imparfaites . D’un côté , les marchés sont aléatoires ,
exposés à des crises spéculatives et des faillites privées : mais ils
conduisent , globalement , vers le développment collectif ce qui a été
amplement démontré par l’hstoire . De l’autre côté , l’intervention publique
confère de la sécurité mais à court terme .Cette illusion sécuritaire
engendre des risques plus graves encore que ceux du marché : dettes
publiques , inflation, stagnation. En économie on ne choisit pas entre le Bien
et le Mal mais entre le mauvais et le moins pire: un chemin étroit mais tout de même connu pour ceux qui veulent connaître.
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