Le gouvernement chinois est désorienté par le Prix Nobel de Liu Xiaobo : des années de propagande communiste en Chine et vers le reste du monde se révèlent soudain inutiles. Le Parti essayait de nous persuader que les Chinois n’aspiraient qu’au développement économique, qu’ils louaient le régime pour un taux de croissance, qu’ils ne souhaitaient pas la démocratie et que cette notion même était occidentale, étrangère à la civilisation chinoise. Or, Liu Xiaobo, depuis vingt ans, dit le contraire et il est tout à fait chinois : il n’est pas une invention de l’Occident mais un lettré classique, enraciné dans une ancienne tradition chinoise de résistance à la tyrannie. Le courage même de Liu Xiaobo et de sa femme Liu Xia, s’inscrit dans la continuité confucianiste : le lettré naguère se suicidait plutôt que d’exécuter un ordre injuste. Liu Xiaobo, qui aurait pu quitter la Chine, avait décidé depuis 1989 – la révolte des étudiants de Tiananmen – que l’injustice devait être combattue sur place avec les armes du lettré, l’écriture et l’acceptation de la souffrance. Il est remarquable que, ni les années de prison - après Tiananmen où il fut un leader pacifiste - ni la perspective d’y retourner, n’altéraient jamais le caractère paisible, voire une certaine jovialité, chez Liu Xiaobo. On ne saurait donc reprocher au comité d’Oslo d’avoir repéré un intellectuel isolé, à l’image des dissidents occidentaux de Pologne ou de Russie naguère. Si Lui Xiaobo est familier, comme le sont les intellectuels chinois depuis deux siècles, de la pensée occidentale, s’il s’est souvent inspiré des formes de résistance occidentale, il n’est pas un produit de l’Occident, ni à l’image de l’Occident. Les intellectuels chinois eux-mêmes nous le disent : comme il devenait évident, depuis deux ou trois ans, que le Prix Nobel de la Paix serait attribué à un dissident chinois, Liu Xiaobo avait été désigné par la communauté intellectuelle démocratique de Pékin, comme étant le plus représentatif de tous : le jury Nobel s’est rallié à un choix effectué en Chine même. Les dirigeants chinois aussi, malgré eux, avaient désigné Liu Xiaobo en le condamnant à onze ans de prison, le jour de Noël 2008, pour « atteinte à la sûreté de l’Etat ». Or, ce qui avait inquiété le Parti Communiste n’était pas tant la Charte démocratique “postée” sur le web par Liu Xiaobo : il ne cessait de publier ses critiques du régime et ses appels à la liberté politique, depuis plusieurs années, sur le web, seul média accessible pour lui. Non, ce qui a déclenché la crainte du Parti et l’incarcération de Liu fut le succès de sa charte. En vingt-quatre heures, dix mille signataires s’y rallièrent avant que le site ne soit fermé. Ce qui mettait à bas un autre mensonge du Parti : le soi-disant isolement et la non représentativité des dissidents. “Comment pouvez-vous vous intéresser à un homme seul qui ne représente que lui-même ?”, nous serinaient les porte-parole du régime à chaque fois que l’on cherchait à rencontrer Liu Xiaobo. Voici que cet homme seul apparaissait comme le leader de fait d’un vaste mouvement d’opinion, au sein même de la population urbaine et éduquée, celle que le régime croyait avoir anesthésiée par le taux de croissance.
Au-delà de Pékin, que pèse Liu Xiaobo ? De fait, jusqu’au Prix Nobel, la masse des Chinois ignorait son nom : mais la maladresse avec laquelle le Parti a tenté d’étouffer la nouvelle du Prix fait que la grande masse des Chinois maintenant le connaît. Rien de tel que la censure d’internet pour que les téléphones cellulaires et le bouche-à-oreille clament ce que l’on voulait interdire. Ces Chinois se reconnaissent-ils en Liu Xiaobo ? La plupart d’entre eux ne tiennent pas un discours élaboré sur les institutions de la démocratie, mais il est constant, en dehors du Parti et parfois même au sein de celui-ci, que l’on réclame le libre choix des dirigeants, avec l’espoir de contenir l’arrogance du Parti Communiste et la corruption de ses représentants. Plus encore que la démocratie classique, ce que les Chinois réclament et ce dont Liu Xiaobo est le symbole, c’est la justice : la justice comme sentiment moral. Le message que Liu Xiaobo a fait parvenir aux Chinois et au monde, par Liu Xia qui a pu le rencontrer dans sa prison, est extraordinairement significatif : il dédie son Prix (et la somme qui l’accompagne) aux “âmes oubliées” de Tiananmen.
Depuis Tiananmen, date de naissance historique du mouvement démocratique en Chine, les autorités nient qu’il y ait eu des victimes. Bien que la Croix Rouge ait dénombré six mille morts. Les noms en sont ignorés, les corps ont disparu : les parents n’ont jamais pu célébrer les obsèques, et les âmes – selon la religion chinoise – errent sans paix. Liu Xiaobo est de ceux qui tentent, malgré la censure absolue sur ce sujet, de recueillir des témoignages pour dresser la liste des morts, sauver leur mémoire et leur âme. Les fonds iront donc à l’Association des mères des victimes de Tiananmen. Aucun taux de croissance ne pouvait effacer cette injustice-là.
Le Parti communiste prendra-t-il la mesure de son erreur de jugement ? Pour l’instant, la confusion domine : Liu Xia, qui n’avait pas le droit de rencontrer son mari, incarcéré, au secret loin de Pékin, a soudain été conduite à lui par la police. Mais au sortir de cette visite, on l’assigne chez elle à résidence et on lui interdit tout contact extérieur. Certains dirigeants laissent entendre que Liu Xia pourrait se rendre à Oslo et accepter le Prix au nom de son mari ; d’autres déclarent que si elle allait à Oslo, elle ne serait pas autorisée à rentrer en Chine. Et on menace la Norvège de représailles sans parvenir à comprendre que le jury Nobel est indépendant car la notion même de pensée indépendante dans les sociétés libres reste étrangère aux dirigeants chinois, non parce qu’ils sont chinois, mais parce qu’ils sont prisonniers de leur idéologie totalitaire.
Cette idéologie évoluera-t-elle sous l’effet de la croissance économique et grâce à l’arrivée d’une nouvelle génération au sommet de l’Etat ? Cela fait dix ans que les sinophiles en Occident, choyés par le régime de Pékin, nous annoncent cette évolution “naturelle” vers la démocratie. Mais c’est parce qu’on ne voit rien venir de tel que le jury Nobel a pris acte de l’effroyable stabilité de la dictature.
Le changement viendra-t-il de l’extérieur de la Chine ? L’Occident exerce en Chine plus d’influence que les dirigeants chinois ne veulent l’avouer : la Chine a besoin de légitimité internationale pour poursuivre son expansion commerciale. Si d’aventure, sa réputation était endommagée au point que les Occidentaux boycottent tout ce qui est Made in China, le “miracle” économique chinois s’effondrerait et le Parti communiste, qui n’a d’autre fondement que le taux de croissance, perdrait jusqu’à sa raison d’être. C’est pour cela que le message de Liu Xiaobo s’adresse aussi à l’Occident. Il nous dit : “Cessez de confondre le Parti communiste chinois et le peuple chinois”. “Sachez que le Parti, ce n’est ni le présent de la Chine, ni son avenir”. “Sachez que les Chinois ne constituent pas un peuple exotique, mais que nous partageons les mêmes valeurs, que nous aspirons exactement aux mêmes libertés que les Occidentaux”. Quelques jours avant le Prix Nobel, Liu Xia à Pékin m’avait dit : “Les dissidents chinois sont comme les Juifs en Allemagne nazie : nous sommes persécutés, menacés de mort et les Occidentaux ne s’en aperçoivent pas. Quand nous aurons tous disparu, il sera trop tard pour vous demander ce qui nous est arrivé et pourquoi vous n’êtes pas intervenus plus tôt ?” Enfin, nous avons entendu : il reste à ne pas oublier.
Wen Jiabao est-il le nouveau Hu Yaobang ?
S'est-il exprimé sur Liu Xiaobo ?
Rédigé par : Jeo | 15 octobre 2010 à 12:51
Les Chinois veulent la charia, la république islamique.Les philosophes des lumières qu' on devrait appeler philosophes des ténèbres ne font pas le poids face à ce livre qu' est le Coran, parole de dieu.En un mois de lecture du Coran, on peut découvrir la vérité.Seul manière d' arrêter l' Islam vers la domination mondiale, interdire le Coran chose impossible.autre façon d' encourager l' atheisme, distribuer des bibles:
Ce ne sont pas les parties de la bible que je ne peux comprendre qui m'inquiète mais bien celles que je comprends. - M. Twain
Lue de façon adéquate, la bible est la meilleure alliée de l'athéisme. - I. Asimov (moi, je dirais de l' Islam ou l' atheisme)
Avant que la Chine se convertisse à l' Islam, il faudrait créer une alliance islamo confucianiste.Le récent accord sino pakistanais dans le nucléaire, notamment les centrales au plutonium pendant de l' accord USA-Inde.La possibilité d' aider pour l' acquistion de bombes nucléaires dans le futur par l' Iran, la Syrie, l' Arabie Saoudite , l' egypte, ...
Rédigé par : Kim Jong Ilien | 16 octobre 2010 à 04:12
Un site sur les dissidents chinois:
http://www.lagrandeepoque.com/LGE/
Apparemment, il s' agit du Falun Gong.Le gouvernement devrait interdire le christianisme, mais pas le Falun Gong.Ils ont un mauvais souvenir de la révolte christiano bouddhiste des Taiping , mais l' histoire ne recommence que rarement.Exemple: les juifs ont été pendant longtemps opprimés par les chrétiens, mais maintenant ce sont eux les oppresseurs qui veulent exterminer ceux qui sont différents d' eux.Lire le Talmud.Les valeurs démocratiques ne sont pas universelles.Ce qui devrait être déclaré universel, c' est le droit des peuples même bougnoule et la possession d' armes atomiques.L' arme atomique est un droit inaliénable pour tout peuple .Vive le Hmas, vive le sentier lumineux, vive Kim Jong Un!
Rédigé par : Kim Jong Ilien | 16 octobre 2010 à 06:30
10 China Myths for the New Decade:
http://www.heritage.org/research/reports/2010/01/10-china-myths-for-the-new-decade
Apparemment la chine ne rattrapera pas les USAs.Son niveau de vie est inférieur à l' Ex URSS.La Chine est 4 fois plus peuplé que l' ex URSS mais a un pib de seulement 5000 milliards de $ comparé à 2000 milliards pour l' ex URSS.Le niveau de vie en Ex URSS est 2 fois plus élevé qu' en chine et 10 fois plus élevé qu' en Inde.J' ai emprunté à la bibliothèque l' économie ne ment pas, GS ne tient compte que des taux de croissance , il ne devrait tenir compte que du PIB.L' URSS , le Japon sont riches depuis belle lurette, la chine, l' Inde, le Brésil végètent dans la misère , les taudis et les dortoirs.
Rédigé par : Kim Jong Ilien | 16 octobre 2010 à 13:41
Kim , vous ne m'avez pas lu : je classe les nations en fonction de leur capital accumulé , pas en fonction de leur taux de croissance . Mieux vaut +2% pour un pays riche que +8% pour un pays pauvre . Un Mexicain qui passe aux US devient soudain 10 fois plus productif parce qu'il agit sur un capital 10 fois supérieur.
Rédigé par : Guy Sorman | 16 octobre 2010 à 16:47
Madame Ding Zelin, présidente des mères des victimes de Tienanmen a disparu depuis que Liu Xiaobo lui a dédié les fonds de son prix Nobel : kidnappée par la police ? Elle a 80 ans.
Rédigé par : Guy Sorman | 16 octobre 2010 à 16:50
Ouh là là , j' ai surestimé le gdp de l' ex URSS:
http://nextbigfuture.com/2009/12/if-ussr-was-superpower-then-is-china.html
"China has a larger economy now than the USSR, than if the old countries of USSR were recombined.
At its peak the USSR was about 50% of the GDP of the USA. In 2010, China and Hong Kong GDP will be about $5.5 trillion. The USA will have about $14.7 trillon. China will be about 37.4% of the US economy.According to purchasing power parity, China (and Hong Kong) will have $9.5 trillion to the US $14 trillion in 2010 China is 68% of the US economy in PPP terms."
Le GDP de l' ex URSS est de 1862 milliards et celui de la Chine de 5263 milliards.L' écart de niveau de vie se resserre.
Rédigé par : Kim Jong Ilien | 18 octobre 2010 à 01:57
@ Guy Sorman,
Un lecteur sur mon blog affirme cela concernant Liu Xiaobo. Qu'en pensez-vous?
( Je publierais votre réponse suite au commentaire ci-dessous ).
" Quelques jours après l’attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo, la presse occidentale n’a toujours pas informé ses lecteurs des idées qu’il défend. Et pour cause ! Le Nobel de la paix a été décerné à un nostalgique de la colonisation qui ne voit de salut que dans l’écrasement de sa propre culture par les armées occidentales.
En 1988, Liu Xiaobo déclara dans une interview que la Chine avait besoin d’être soumise à 300 années de domination coloniale pour pouvoir devenir un pays décent, de type évidemment occidental. En 2007, Liu Xiaobo a réaffirmé sa thèse et a invoqué une privatisation radicale de toute l’économie chinoise.
Je reprends ces informations d’un article de Barry Sautman et Yan Hairong publié sur le South China Morning Post (Hong Kong).
Il ne s’agit pas d’un journal aligné sur les positions de Pékin qui, au contraire, est critiqué dans ce même article pour avoir frappé une opinion fût-elle « ignoble » par la détention plutôt que par la critique. "
fin du commentaire. Ecrit par Florent Reyne.
D.J
Rédigé par : D.J | 18 octobre 2010 à 19:29
@D.J
D'après son wiki: http://en.wikipedia.org/wiki/Liu_Xiaobo
Les propos qui vous ont été rapportés sont vrais: il répond à la presse de Hong Kong en faisant un parallèle avec la situation de cette dernière, colonisée pendant 100 ans pour mettre en évidence le handicape en terme d'inertie que constituerait la taille du pays.
Le fait est qu'il n'est pas inquiété pour ces propos - qui donnent par ailleurs à réfléchir - mais bien pour son appel à la démocratisation de son pays. De ce point de vue, s'il pense encore ce qu'il a dit en 1988, il n'en est que plus méritant...
Rédigé par : PaulNizan | 18 octobre 2010 à 20:08
Les propos de Liu Xiaobo s'inscrivent dans un long débat intellectuel qui date de la fin du 19e siècle : la Chine doit-elle ou non , s'inspirer des idées occidentales pour progresser ? Liu Xiaobo estime que oui , il faut emprunter à l'occident les droits de l'homme et la démocratie contre ceux qui au nom d'une sinitude essentielle entendent maintenir le despotisme , hier de l'Empereur , aujourd'hui du Parti.La colonisation qu'il évoque n'est pas matérielle mais un appel au métissage des cultures , au nom de normes qu'il estime universelles. Il contredit ainsi bien des sinolâtres français , type Raffarin ou François Julien, qui préfèrent une Chine irréductiblement exotique.
Rédigé par : Guy Sorman | 18 octobre 2010 à 21:00
http://www.voltairenet.org/article167289.html
Qui est Liu Xiaobo ?
Quelques jours après l’attribution du prix Nobel de la paix à Liu Xiaobo, la presse occidentale n’a toujours pas informé ses lecteurs des idées qu’il défend. Et pour cause ! Le Nobel de la paix a été décerné à un nostalgique de la colonisation qui ne voit de salut que dans l’écrasement de sa propre culture par les armées occidentales.
En 1988, Liu Xiaobo déclara dans une interview que la Chine avait besoin d’être soumise à 300 années de domination coloniale pour pouvoir devenir un pays décent, de type évidemment occidental. En 2007, Liu Xiaobo a réaffirmé sa thèse et a invoqué une privatisation radicale de toute l’économie chinoise.
Rédigé par : Kim Jong Ilien | 25 octobre 2010 à 19:27
Vraiment n'importe quoi ce billet ! Guy Sorman écrit ses billets plutôt comme un communicant qu'un journaliste. Deux sociologues de l'université de Hong Kong ont dressé le portrait de Liu Xia Bo. Et ce portrait n'a rien à voir avec ce que nous présente ici Guy Sorman. Liu n’est pas un champion de la paix, mais un avocat de la guerre. Il a soutenu les invasions de l’Irak et de l’Afghanistan et célébré, rétrospectivement, les guerres du Vietnam et de Corée dans un essai publié en 2001. Tous ces conflits ont pourtant conduit à des violations massives des droits humains. Dans la Charte 08, Liu proposait la mise en place d’un système politique à l’occidentale en Chine ainsi que la privatisation de toutes les entreprises et terres arables : http://www.guardian.co.uk/commentisfree/2010/dec/15/nobel-winner-liu-xiaobo-chinese-dissident
Rédigé par : Empereur | 18 janvier 2011 à 17:15
Je disais que dans la Charte 08, Liu proposait la privatisation de toutes les entreprises et terres arables, tout le contraire de ce que le peuple chinois souhaite. De plus Liu est inconnu en Chine. Le peuple ne le connaît pas. Il faut être vraiment gonflé pour écrire benoîtement : "Oui, Liu Xiaobo représente les Chinois".
Rédigé par : Empereur | 18 janvier 2011 à 17:18