Pourquoi New York ? La ville, comme cible, fut désignée par Sayyid Qutb, le fondateur spirituel de l'islam politique contemporain. Jeune instituteur égyptien, invité à New York pour y suivre un stage de formation, en 1947, il fut pris d'une haine indicible pour New York. À lire Sous l'ombre du Coran et Justice sociale en Islam, qui deviendront les Evangiles des islamistes, New York était l'anti-islam comme d'autres furent l'Antechrist. Il y souffrit particulièrement du racisme - sans doute en fut-il victime - et plus encore de la liberté des moeurs des femmes - leurs bras et jambes nus, l'été dans les rues de Manhattan, furent vécus par lui comme des agressions du Diable.
Après que Qutb fut exécuté en prison (en 1966) par le régime de Gamal Abdel Nasser, ses disciples, dont Oussama Ben Laden, devinrent à leur tour obsédés par New York. L'objectif était symbolique : détruire les Tours jumelles était à l'évidence une atteinte à la virilité américaine. La sexualité et ses fantasmes sont essentiels au comportement de l'Islam radical.
L'attentat du 11 septembre n'était donc pas tant un acte militaire que mystique : Ben Laden n'envisageait évidemment pas de conquérir l'Amérique. Mais par-delà le sacrifice inspiré par Qutb, le 11.9 s'inscrit aussi dans une démarche stratégique : le véritable objectif de Ben Laden n'était pas New York mais La Mecque.
Ben Laden se percevait en nouveau Commandeur des croyants, destiné à restaurer le Califat dans la lignée de Mahomet : il lui fallait, dans cette démarche, nécessairement prendre la Mecque ainsi que Mahomet y parvint. Cette victoire exigeait que l'armée saoudienne soit vaincue ou qu'elle se soumette à Ben Laden : ce qui lui semblait possible si les Etats-Unis cessaient de soutenir le régime saoudien. Pareil pour la tyrannie égyptienne que Ben Laden estimait aussi manipulée par les Etats-Unis. Il espérait donc que l'attentat contre New York frapperait les Américains au point qu'ils se replient sur eux-mêmes et renoncent à soutenir leurs alliés arabes. Les peuples arabes, libérés de la tutelle des despotes pro-Occidentaux, se seraient alors ralliés en masse à leur nouveau guide.
Le 9.11 n'était donc pas, dans l'esprit de son auteur, un acte de terrorisme gratuit ainsi qu'on le qualifie en Occident , mais une guerre symbolique contre le Mal et stratégique pour le Pouvoir: un mélange de mystique et de politique, comme l'est le mouvement islamiste tout entier. Mais Ben Laden s'est évidemment trompé sur la réaction américaine : George W. Bush ne pouvait pas accepter un second Pearl Harbour sans réagir, et comme après Pearl Harbor, la réaction ne pouvait être que militaire. Les Etats-Unis sont une nation martiale, peu portée à la négociation (ce que n'ont toujours pas compris les Européens qui auraient préféré des opération de police plutôt que la guerre).
Ben Laden s'est trompé plus encore sur son propre monde : les Arabes, hors une poignée de mystiques et de mercenaires, n'ont aucun désir de s'en retourner au temps du Prophète sous les ordres d'un Ben Laden. On s'en doutait mais ils nous ont assené la preuve : les révolutions arabes en cours ne se réclament pas de l'Islam radical, mais des Droits de l'homme universel. Le 9.11, Ben Laden et sa mouvance ont gagné une bataille et perdu la guerre, une guerre qui opposait les musulmans à d'autres musulmans : l'Occident n'en fut jamais l'enjeu premier, mais l'occidentalisation du monde, oui.
En tunisie, en Lybie et en Egypte les faits démontrent le contraire de votre thèse selon laquelle les arabes aspirent à plus de démocratie. le renforcement de l'islamisation de ces pays est en cours, pourquoi prétendre le contraire ? ...
Rédigé par : TeddyK | 05 septembre 2011 à 13:28
d'où une question : comment se positionner par rapport au soutien par la France ou les Etats Unis de régimes violents, dictatoriaux et/ou corrompus ?
Rédigé par : Le Parisien Liberal | 05 septembre 2011 à 13:39
Effectivement, l'i-phone est à priori plus tentant que l'i-slam(isme).
Ceci étant, attention. La jeunesse désenchantée, confrontée au chômage de masse et à la crise économique peut vite se tourner vers mon second. Quant on ne peut accéder à quelque chose, autant s'en faire un ennemi, voire, le haïr. C'est moins douloureux.
Et l'Ismalisme est une idéologie totalitaire prête-à-servir ce genre de ressentiment. Donc, il est encore bien tôt pour tirer des conclusions des changements en cours.
Rédigé par : ETF | 05 septembre 2011 à 14:45
@ Teddyk,
La masse arabe aspire à la liberté et non à l'islamisation. Maintenant que les islamistes y voient une opportunité de conquérir le pouvoir est une autre chose. Seul l'avenir dira qui sera gagnant dans l'histoire.
D.J
Rédigé par : D.J | 05 septembre 2011 à 17:16
Ce printemps arabe est d'origine du peuple ordinaire, qui veut plus de libertés. Malheureusement, ce même peuple se laisse aisément trompé par des idéologies totalitaristes. Mais L'Islam est comme toute les autres idéologies totalitaristes: Comme le communisme, le faschisme et le Nazisme,elle ne tolère pas la liberté et crée donc très peu de richesses. Tôt ou tard, ces même peuples le découvrirons et un autre printemps arabe se pointra pour déloger leur nouveaux tyrans. D'ici là, il y aura encore, malheureusement d'autres guerres et morts à venir...
Rédigé par : G.M. | 05 septembre 2011 à 18:55
Cher monsieur Sorman, avez-vous une référence, biographique ou autre, sur l'ambition califale de Ben Laden, ou est-ce une analyse personnelle ?
Rédigé par : Philippe Fabry | 07 septembre 2011 à 17:25
@ Fabry,
C'est pas une analyse personnel, c'est une analyse des spécialistes du terrorisme islamique. Vous pouvez aussi lire " l'histoire du terrosisme de l'Antiquité à Al qaeda " de Gérard Challiand.
D.J
Rédigé par : D.J | 07 septembre 2011 à 19:05
Romantisme politique et ratio de Mesquida : le mélange est explosif bien sûr...mais, par rapport à ce qui s'est passé en Europe au XIXème siècle, il n'y a pas de "Nations" et de "Cultures nationales" ...à ma connaissance tout du moins...
Rédigé par : GAUTHIER | 08 septembre 2011 à 14:01
Vu la force militaire des pays musulmans, l' Islam n' est pas un danger. Le vrai danger est démographique surtout pour Israel et les USAs. Le micro terrorisme insignifiant sert à faire sensation dans les médias et à propager la paranoia, mais le christianisme est infiniment plus éfficace pour diffuser névrose et psychose. Quant les Américains ont tuer 10000 chinois par des armes biologiques, Mao n' en faisait pas grand cas.Les politiciens américains ne sont pas dupes: les menaces sont la Russie qui est n' empêche une démocratie et la Chine. http://www.tonyrogers.com/news/nanotechnology.htm
Rédigé par : Kim JongIlien | 09 septembre 2011 à 10:56
Je reste étonné de l'importance médiatique et symbolique encore accordée à 9/11.
Je ne vois dans 9/11 aucune portés symbolique. Pas de portée du tout en fait. Ce fut un acte barbare, fondateur de rien, symbole de rien, d'une valeur nulle sur le destin des hommes. Un micro-évènement, mais c'est un tabou de le dire (sans vouloir minimiser la souffrance des victime et des familles, mais de la souffrance, de l'injustice abjecte, et de la barbarie, il y en a à la pelle à travers le monde. Sans compensation financière ou affective d'aucune sorte).
Mais l'homme, (les américains notamment), a tant besoin de mythes et d'histoires, qu'il faut toujours qu'il attache des portées mythiques et symboliques aux évènements qui s'y prètent.
Je vis à New York. Rien n'y a changé. Les moeurs sont les mêmes. La richesse y est la même. Les gens y sont les mêmes. Les chiens, et leurs crottes qu'on ramasse, y sont les mêmes.
La crise économique structurelle qui frappe les USA depuis la fin du boom artificiel de l'immobilier, voilà qui affecte le pays bien plus que 9/11. New York ? Plutôt moins qu'ailleurs (l'immobilier n'y a pas baissé du tout).
9/11 ? Circulez, y'a rien à voir.
Rédigé par : ETF | 09 septembre 2011 à 13:18
Ah, si, j'avais oublié: il faut enlever ses chaussures à l'aéroport.
Rédigé par : ETF | 09 septembre 2011 à 14:52
My international relations professor, M. Pascal Boniface of the Institute for European Studies, who is also the head of the Institute for International and Strategic Relations (IRIS), one of the most influential French think tanks, holds that the importance of the 9/11 attacks had been greatly overestimated.
The most important strategic event that had marked the turn of the century was not the 9/11 but the 11/9, the fall of the Berlin wall and the end of bipolar world.
The number of victims of the earthquake in Haiti or the tsunami in South Eastern Asia was far greater than that of the 9/11 attacks, he says, but the media will not commemorate this much their tenth anniversary. As Westerners, we identify more easily with the victims of the 9/11 attacks because they are more like us. As M. Boniface pointed out, French media stated repeatedly during the war in ex-Yugoslavia that “ethnic cleansing wasn’t acceptable at a distance of only two hours by airplane from Paris”, meaning that it were acceptable further away.
In his excellent book “Holy War Inc.”, Peter Bergen quotes several interviews with Ben Laden in which he told the journalists his political aims were to make the American troops leave Saudi Arabia, end the economic embargo on Iraq that caused famine and children deaths, and get recognition for the Palestinian state.
Those goals were legitimate and shared by most people, only the means he used were not.
Rédigé par : Natasa Jevtovic | 10 septembre 2011 à 15:04
" Ah, si, j'avais oublié: il faut enlever ses chaussures à l'aéroport. "
A cause de la concièrge qui gueule que c'est sale partout?
D.J
Rédigé par : D.J | 10 septembre 2011 à 19:40
Nous disions donc... 6 Millions d'enfants meurent de faim chaque année, soit plus de 16000 par jour. Lit-on encore leurs noms en une interminable litanie, devant toutes les caméras du monde, 1 heure, 1 jour, 10 ans plus tard ?
J'entendais sur la BBC la fille d'une des victimes de 9/11 se plaindre de ce que chaque année, on lui renvoyait à la figure ce jour tragique, et qui demandait tout naturellement, au delà de sa douleur privée, qu'on lui fiche la paix avec ça.
Le grand déballage compassionnel, comme l'eut probablement dit un certain Murray, mais bien d'autres avant et après lui. De la compassion, oui, on en a certes besoin. Mais cette application parfaitement sélective a quelque chose d'indécent. Ca suffit, ce grand cirque ! C'est un New Yorkais qui vous parle, et qui est loin d'être le seul à le penser.
Rédigé par : ETF | 11 septembre 2011 à 17:44
Moi je trouve ca bien que l'on fasse des ceremonies du souvenir. Pourquoi pas? Les familles ont maintenant (enfin) un endroit ou se recueillir et il m'a semble comprendre que, contrairement a ce que nous dit ETF avec son reportage BBC, beaucoup d'entres elle trouvaient ca tres tres bien. Moi, ca ne me derange pas. Je suis NewYorkais aussi et si ca me derangeait, il me suffirait d'eteindre la tele pour que cela ne me derange plus.
Et d'ailleurs, je trouve que chez nous en France, on n'en fait pas assez. On n'honore pas grand monde chez nous, ca fait ringard, n'est-ce pas?? Par exemple, que faisons nous de "visible" pour les soldats francais morts au front en Afghanistan et ailleurs de nos jours? La realite est que tout le monde s'en fout, presse et medias en premiers. Pas la moindre mention ou ceremonie (a part 2 minutes un soir au JT). Rien. Les gens qui meurent dans des attentats, pareil. Rien. Les morts de l'avion d'UTA abattu par Kaddafi il y a maintenant longtemps, ainsi que tant d'autres. Rien. Jamais rien.
A tout prendre, je trouve qu'une petite ceremonie du souvenir est tout de meme beaucoup plus digne que rien du tout.
Rédigé par : Avidadollars | 11 septembre 2011 à 23:57