Quand Staline mourut, en 1953, je vis enfant, les Russes pleurer sur la Place Rouge: notre seule source d'informations était alors les Actualités Pathé, projetées au cinéma avant le "grand" film. Pas un instant, ma famille qui était de gauche dans une banlieue communiste de Paris, ne douta de l'authenticité de ce chagrin démonstratif. Quand Mao Zedong disparut, en 1976, je me souviens de la Porte Ste Antoine dans l' Est de Paris, voilée de Noir et ornée d'un portrait gigantesque du défunt Timmonier: Place Tian Anmen, des Chinois pleuraient. Imaginons Hitler mort en 1938: sans aucun doute, aurions nous vu des Allemands pleurer et aussi quelques Français, comme pour Mao.
L' hystérie qui , vue à la télévision- sanglots, se frapper la poitrine, crier Père au passage du cercueil de Kim Jong-Il à Pyongyang- n'est donc pas tout à fait inédite. Elle n'affecte que les dictatures, dans toutes les civilisations: les obséques de Nasser au Caire en 1970 déchaînérent des réactions similaires. Il s'est trouvé cependant des journalistes et commentateurs qui n'étaient pas sur place, pour expliquer à la télévision française que les larmes de Corée du Nord devaient tout à la tradition Confucéenne. Pauvre Confucius qui est tout aussi respecté en Corée du sud; mais du côté de Sëoul, le Confucianisme n'incite au chagrin, discret, qu'envers le pére de famille, pas envers le soi-disant pére de la nation. Quelques observateurs sur place, ont tout de même rapporté que seuls les premiers rangs pleuraient face à la caméra.
Il me revient un conseil que me donna Norodom Sihanouk qui, en exil du Cambodge, vécut en Corée du Nord et y conserve une résidence": Ne croyez, me dit-il, rien de ce que vous verrez à Pyonyang, les Nord Coréens sont des as de la mise en scéne". Bon conseil que j'ai souvent appliqué sur place. Kim Jong-il était d'ailleurs cinéaste, Norodom Sihanouk aussi et la Corée du Nord est un producteur significatif de dessins animés.
Le chagrin national de la Corée du Nord reléve donc de la mise en scéne; mais , comment obtient-on l'acquiescement des foules à jouer ce rôle? On se posa naguére la même question pour l'URSS : était-ce culturel ( L' Homme russe), idéologique ( Homo sovieticus) ou tout bonnement l'effet de la terreur sur les foules? La terreur évidemment comme celà devint clair pour tous après la chute du régime: les Russes qui soudain n'avaient plus peur, ont cessé de pleurer sur leurs dirigeants, morts et vivants. Un Nord -Coréen qui pleure le Grand leader disparu, n'a pas de chagrin: il a peur. Quant aux Français chagrinés par la mort de Staline ou Mao, je n'ai pas d'explication rationnelle à proposer.
@ Part la mise en scène par les apparatchiks du pouvoir; j'ai lu
dans un quotidien Suisse ( lausannois )où les journalistes ont eu des témoignages de coréens du nord qui ont du toute leur vie apprendre à ce forcer de pleurer; de peur de passer pour des gens hostile envers le dictateur défunt si il ne pleuraient pas.
Un autre journaliste dans un autre journal explique aussi en dehors de la mise en scène; que beaucoup pleurent non pas pour le décès du dictaeur mais qu'ils profitaient de l'occasion pour pleurer sur leurs difficiles conditions de vie.
" Quant aux Français chagrinés par la mort de Staline ou Mao, je n'ai pas d'explication rationnelle à proposer ".
L'explication est facile: il est plus facile d'être amoureux d'une dictature quand on vit en démocratie. Certains intervenants sur ce blog le prouve.
D.J
Rédigé par : D.J | 31 décembre 2011 à 15:32
"Quant aux Français chagrinés par la mort de Staline ou Mao, je n'ai pas d'explication rationnelle à proposer."
Les sympathisants de causes extrêmes se sentent isolés dans nos sociétés molles, tempérées. Pour eux, leur voisin est un alien, un obstacle entre eux et leur utopie. Ces larmes, ces juste pour se prouver qu'ils sont humains, c'est le contrepoids du mépris qu'ils éprouvent pour leurs vrais frères qui vivent à portée de bicyclette, tout autour d'eux, mais qui ont le malheur de ne pas voir les choses de la même façon qu'eux. Ils pleurent sur eux-mêmes en quelque sorte, sur la fraternité qu'ils se refusent parce qu'ils ne seraient pas nés au bon endroit.
Rédigé par : PaulNizan | 31 décembre 2011 à 21:25
en 2012, souhaitons la poursuite de la chute des dictatures à travers le Monde.
Bonne année 2012 !
Rédigé par : Le Parisien Liberal | 01 janvier 2012 à 20:25
""Quant aux Français chagrinés par la mort de Staline ou Mao, je n'ai pas d'explication rationnelle à proposer."
Et bien qu'on envoie ces Français en Russie ou en Chine... On ne les pleurera pas, car ce n'est pas avec des décérébrés de ce genre q'on va faire avancer le pays.
Bon débarras pour Kim Jong, j'espece qu'en 2012 la dictature va tomber, ainsi que la dictature Syrienne, comme pour la Lybie.
2012 s'annonce difficile, mais 2011 s'est quand même bien terminée avec tous ces dictateurs dégagés du pouvoir. Espérons la même suite pour 2012.
Mes meilleurs voeux à tous, amour, gloire et succès pour tous !
Rédigé par : Quimboiseur | 02 janvier 2012 à 13:03
""Quant aux Français chagrinés par la mort de Staline ou Mao, je n'ai pas d'explication rationnelle à proposer."
Le socialisme, c'est une religion, surtout quand elle est éloigné et inaccessible comme celle de la Corée du Nord. Et il y aura toujours des gens pour pleurer une utopie, aussi corrompue et meurtrière soit-elle...
Rédigé par : G.M. | 02 janvier 2012 à 17:44
Bonne Année monsieur Sorman,
Merci pour votre blog! Que 2012 soit l'année de la liberté! Taiwan (où j'habite) va voter le 14 janvier pour élire un nouveau président et un nouveau parlement. L'issue est complètement indécise! Cette démocratie chinoise montre la voie!
Rédigé par : Stephane | 03 janvier 2012 à 05:39
Sur la chute des satrapes orientaux en 2011, ne nous enthousiasmons pas. Il faudrait au moins 10 ans pour voir si ces revolutions seront benefiques a ces pays arabes.
Je rappelle que les chretiens coptes sont bien plus martyrises aujourd'hui, sous la democratie, qu'ils ne l'etaient durant le regime de Moubarak. De meme, le gouverneur militaire de Tripoli est aujourd'hui un ancien... d'Al Qaida.
En Syrie, actuellement, contrairement a ce que l'on pense, une grande partie de la population se range derriere Bachar el Assad, notamment les Chretiens.
Pour ma part, je souhaite la chute du regime de l'Arabie saoudite dont les exactions ne derangent absolument personne en Occident.
Rédigé par : EnDirectDeChine | 03 janvier 2012 à 08:01