L'Espagne et la France offrent actuellement deux leçons d'économie contradictoires qui devraient s'inscrire l'une et l'autre dans les annales de cette science. Du côté espagnol, nous constatons un effort réel et clair pour restaurer les conditions de la compétitivité des entreprises. Si le gouvernement espagnol persiste, et si le peuple espagnol ne perd pas patience, l'économie espagnole devrait à terme retrouver la croissance et l'emploi. En France, c'est l'inverse qui se produit. Bien que les conditions de départ fussent bien meilleures que celles de l'Espagne, avec une dette publique moins élevée, des taux d'intérêt plus bas et une gamme d'entreprises de niveau mondial, la politique économique de François Hollande plonge le pays dans la récession et le chômage. Ce destin dramatique n'était pas nécessaire, il n'est pas l'héritage de Nicolas Sarkozy mais le témoignage d'une incompréhension totale chez les dirigeants socialistes français, des principes élémentaires de l'économie réelle.
Quand Hollande fut élu, en mai 2012, certains ont cru à droite comme à gauche (dont moi-même, je l'avoue) que Hollande serait comme on le disait à l'époque le Schroeder français : celui qui, parce que de gauche, mènerait à bien les modernisations nécessaires comme la flexibilité du marché du travail et la réduction des dépenses publiques. Hélas ! Les socialistes français sont restés socialistes, du modèle le plus archaïque qui soit. Ainsi le gouvernement s'oppose-t-il systématiquement à toute fermeture d'entreprise et à tout licenciement, interdisant de fait les innovations et les reclassements de l'investissement comme des salariés. Des entreprises dans le secteur sidérurgique et automobile sont aujourd'hui contraintes de travailler à perte et de produire des pièces détachées qui ne trouveront jamais de débouchés. Comme à la grande époque de la planification soviétique. Pour persuader des entrepreneurs de persévérer, le gouvernement d'un côté menace de nationaliser, et par ailleurs promet des subventions qui seront alimentées par un Fonds d'aide à l'industrie : ce Fonds sera financé par une augmentation de l'impôt sur la consommation. On débat beaucoup en France de l'impôt à 75% sur les revenus supérieurs à un million d'euros par an, mais celui-ci ne concernera que quelques milliers de contribuables à condition qu'ils n'aient pas encore fui vers la Belgique. On parle moins de l'augmentation à 45% du taux marginal qui affectera cette année les cadres et professions libérales et du 1% de TVA supplémentaire qui affecte les pauvres plus que les riches car les pauvres consomment plus, relativement à leurs revenus. Les socialistes, sous couvert de justice sociale et de maintien de l'emploi dans les métiers archaïques, organisent donc l'appauvrissement généralisé des consommateurs, la congélation de l'industrie et l'exil des entrepreneurs. Et contrairement à l'Espagne, à l'Italie et à la Grèce, le gouvernement français n'a pour l'instant engagé aucune restriction des dépenses publiques. Question de culture sans doute : les socialistes savent augmenter les impôts mais ignorent comment réduire les dépenses de l'Etat, en grande partie parce que les syndicats de la fonction publique constituent le socle de leur électorat. En conséquence, il ne se crée plus aucun emploi privé en France et même les jeunes diplômés se trouvent au chômage : la spirale récessive est engagée comme conséquence mécanique de choix politiques. Il n'empêche que François Hollande va répétant que 2013 sera l'année de la "lutte contre le chômage" : une expression particulièrement absurde qui laisse croire que l'on peut réduire le chômage par le discours tout en créant les conditions objectives de son aggravation.
A ce seuil d'absurdité, on s'interroge : le gouvernement est-il incompétent ou prisonnier de sa base syndicale ou prépare-t-il les esprits à un revirement stratégique ? Le risque, avant même d'obtenir une réponse à ce mystère, est celui de la révolte. Le taux de chômage qui sera atteint en 2013 n'a pas de précédent historique et la société française n'est pas solidaire comme elle peut l'être en Espagne : quatre millions de chômeurs constituent donc une masse critique susceptible de descendre dans la rue pour renverser pas seulement le gouvernement mais, plus encore, la démocratie dévoyée par ce gouvernement-là. Chaque jour, l'imprévisible devient, en France, plus probable.
Taux de chômage en zone euro : novembre 2012 :
1- Médaille d’or : Espagne : 26,6 %.
http://epp.eurostat.ec.europa.eu/cache/ITY_PUBLIC/3-08012013-BP/FR/3-08012013-BP-FR.PDF
Rédigé par : BA | 10 janvier 2013 à 21:06
Superbe analyse.
J'apprend des choses qui ne sont pas suffisamment développé dans le débat des réformes fiscales.
Si il y a bien une promesse que François Hollande ne tient pas, c'est la réduction des dépenses publiques. Et cela aurait du être sa priorité... Mais attendons de voir le montant du déficit publique pour l'année 2013. Ne jetons pas de tomates aux acteurs du gouvernement en place si tôt.
Rédigé par : Philippe | 11 janvier 2013 à 10:05
Bravo Guy! 100% d'accord.
Rédigé par : Lio | 12 janvier 2013 à 09:53
Et pendant ce temps, la droite française rassemblée et dans la rue derrière l'Eglise, contre le mariage gay! Un autre sujet, certes, mais c'est assez pathétique et cela en dit malheureusement long sur la difficulté d'un vrai libéralisme en France...
Rédigé par : Luc Lévy | 12 janvier 2013 à 13:04
"La Droite la plus bête du monde", avait dit Guy Mollet. La seule vérité qu'il n'ait jamais énoncée.
Guy Sorman
Rédigé par : Guy Sorman | 12 janvier 2013 à 16:04
"la politique économique de François Hollande plonge le pays dans la récession et le chômage"
Ce n'est pas sérieux. Comme si la récession et le chômage étaient le fait de 6 mois à peine de gouvernement.
Et si vous voulez être sérieux, attendez un peu avant de juger, notamment sur la " la flexibilité du marché du travail et la réduction des dépenses publiques". Il est fort possible qu'Hollande aura réformé en un an bien plus que Sarkozy ne l'aura fait en 5, malgré sa grande gueule et ses roulements puérils de mécaniques.
Rédigé par : ETF | 12 janvier 2013 à 23:42
@ ETF,
Hollande fait tout pour que cela n'ai pas mieux. Où je dirais plutôt qu'il ne fait rien pour que cela s'arrange.
D.J
Rédigé par : D.J | 13 janvier 2013 à 14:02
C'est entièrement faux. Voilà une vision idéologique (et donc, sans intérêt) des choses. Les récentes négociations et l'accord (en cours) sur le travail en sont une preuve, qui vont favoriser le flexibilité.
Pour ce qui est des économies budgétaires, elles seront mises en oeuvre. Hollande ne sait que trop bien que les marchés ont le flingue sur la tempe de la France.
Et n'oubliez pas que la présidence Sarko, qui avait sans doute vos faveurs, aura été un désastre budgétaire.
Quant à ceux qui voudraient une Thatcher pour la France, ils fantasment.
Il faudra donc juger la politique de Hollande sur l'ensemble. Les mesures stupides des 75% d'imposition et de retraite rétablie à 60 ans pour quelques uns, auront peut-être permis de faire passer dans l'opinion des mesures libéralisantes que même Sarko n'aura pas osé mettre en oeuvre.
Rédigé par : ETF | 13 janvier 2013 à 16:27
L'accord signé entre le MEDEF et certains syndicats , n'a aucun intérêt pour 99% des entreprises. Il ne concerne que les grands groupes qui sont confrontés aux syndicats et disposent de Directions des ressources humaines assez sophistiquées pour appliquer des dispositifs complexes. Il reste impossible de licencier et donc peu tentant de recruter , en particulier pour les PME qui représenteraient le seul espoir de réduction du chômage. Je ne comprends pas pourquoi on qualifierait d'historique un accord qui perpétue le verrouillage du marché du travail.
Rédigé par : Guy Sorman | 13 janvier 2013 à 22:01
Du WSJ, au Spiegel, au Financial Times,tout le monde salue l'accord.
"«La France commence ses réformes structurelles», titre sur son site internet le Handelsblatt, le quotidien allemand de l'économie."
http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2013/01/13/20002-20130113ARTFIG00121-marche-du-travail-l-accord-salue-par-la-presse-etrangere.php
Alors bon, on peut faire la fine bouche. N'empêche qu'Hollande, dont on aime tant se gausser, aura fait plus sur le sujet en 6 mois que Sarko en 5 ans.
Rédigé par : ETF | 13 janvier 2013 à 23:51
L'accord n'a pas été lu: mais Parisot et les syndicats font croire que c'est un succès parce qu'ils y ont un intérêt personnel. Franchement, aucune PME n'est concernée par cet accord.
Rédigé par : Guy Sorman | 14 janvier 2013 à 03:04
Voici un résumé du programme à mettre en place au plus vite de gré ou de force pour avoir une chance de s'en sortir :
* 40 HEURES HEBDOMADAIRES PUBLIC + PRIVE
* AGE MINIMAL DE DEPART EN RETRAITE 65 ANS PUBLIC + PRIVE Y COMPRIS POUR LES REGIMES SPECIAUX
* SUPPRESSION 5ème SEMAINE DE CONGES PAYES
* SUPPRESSION DES COMMUNES ET DES DEPARTEMENTS
* PRIVATISATIONS MASSIVES A COMMENCER PAR FRANCE TELEVISIONS ET VENTE DES 15% DE CAPITAL DE RENAULT
* SUPPRESSION DES MINISTERES QUI NE REGARDENT PAS L'ETAT : CULTURE, EDUCATION, FAMILLE, JEUNESSE, SPORTS, un secrétariat d'état suffirait largement. la société française décadente peut-elle accepter une seule de ces mesures pacifiquement, j'en doute fort... donc pour 2017 l'alternative est très simple : le Chili ou la Grece, Pinochet ou un triple effondrement moral, politique et économique comparable au 10 mai 1940. Hollande, Hollande, tiens donc ca finit comme Allende, Allende...
Rédigé par : MONSTERS | 30 janvier 2013 à 08:20
Tout à fait d'accord avec vous. Malheureusement, la France, comme de nombreux pays sur l'échelle mondiale, est en manque d'un dirigeant visionnaire qui soit au-dessus des problèmes relatifs à sa "petite survie" en tant que Président. Ce problème est aussi bien à droite qu'à gauche !
Rédigé par : traduction anglais | 16 février 2013 à 09:53