Le développement économique exige effort et continuité. Mais, souvent les peuples se lassent ; la classe politique et les commentateurs imaginent alors des raccourcis qui se subsisteraient à l'effort. L'histoire économique est ainsi un cimetière de gadgets, chemins de traverse illusoire qui jamais n'ont conduit à la croissance mais d'ordinaire la retardent. Pour mémoire, on citera le protectionnisme, la politique industrielle, la dévaluation compétitive, la banqueroute volontaire, le Grand bond en avant. Eh bien, rien de tout cela ne marche : le protectionnisme affaiblit l'innovation et favorise les rentiers, la politique industrielle conduit tout droit à la corruption, la dévaluation renchérit les importations et suscite le protectionnisme chez les partenaires commerciaux, la banqueroute interdit d'emprunter pour une génération, et le Grand bond en avant engendre la pauvreté de masse.
Ce rappel est nécessaire puisque la stagnation prolongée des économies occidentales rallume quelques-unes de ces vieilles lanternes : en économie, dix ans suffisent pour que tout le monde ait oublié les leçons du passé et s'apprête à réitérer les mêmes erreurs. La lubie du moment est de jouer sur les cours des monnaies de manière à doper les produits nationaux sur le marché mondial. Le gouvernement japonais est tenté par cette drogue et n'est-ce pas ce que font les Chinois depuis vingt ans ? En Europe aussi, on entend dire que l'Euro serait trop fort et que sa baisse nous tirerait d'affaire. Tout cela n'est que déni du réel.
Considérons la Chine. Nul ne connaît la juste valeur de la monnaie chinoise puisqu'elle n'est pas convertible : peut-être le Yuan libre augmenterait-il, mais certains envisagent qu'il baisserait. Ce n'est pas pour favoriser ses exportations que la Chine contrôle le Yuan, mais pour interdire aux Chinois d'investir à l'étranger. De plus, le Yuan ne cesse de renchérir depuis cinq ans, sans que cela n'affecte les exportations chinoises : la valeur de la monnaie n'est donc pas la clé de la performance chinoise sur le marché mondial. Le succès tient à l'esprit d'entreprise : la capacité de fournir en masse à qualité constante, des produits relativement simples. La Chine est à peu près seule sur ce marché-là.
Considérons la monnaie japonaise. Une baisse du Yen ferait flamber le coût de l'énergie importée dont le Japon est de plus en plus tributaire : les prix à l'exportation ne pourraient donc pas baisser puisque les entreprises devraient incorporer le supplément payé pour l'énergie. En réalité, les entreprises japonaises sur le marché mondial sont souvent les seules à fournir des composants indispensables et irremplaçables : leur prix est un aspect secondaire pour les acheteurs. La stagnation japonaise, sans relation avec la monnaie, vient de ce que la population vieillit et diminue. La baisse de la quantité de travail au Japon explique la baisse de la production : la solution à terme serait de s'ouvrir à l'immigration, pas de faire baisser le Yen. La Corée du Sud sera bientôt confrontée à un choix similaire.
Ce qui nous conduit à l'Euro. Lorsqu'il était faible (il valait au départ 20% de moins que le Dollar US), on se plaignait en Europe de ce que la facture d'achat de pétrole et de gaz libellée en dollars était insupportable. Souhaiterait-on retourner à cette case départ ? Et vendrait-on plus avec un Euro faible ? Les Européens exportant en majorité vers d'autres pays européens, la valeur de la monnaie n'a évidemment aucun impact sur ce commerce-là. Pour le reste du monde, les exportations européennes ou nord-américaines jouent de moins en moins sur la valeur, et de plus en plus sur l'innovation, la qualité et le suivi commercial. Là encore, l'effet d'une dévalorisation de l'Euro serait nul sur le type de produits et services que l'Europe vend.
Ce qui nous ramène à l'effort et à la continuité. Le pire destin pour l'économie européenne serait de s'aventurer dans un chemin de traverse, d'abandonner les politiques de retour à l'équilibre des finances publiques et de libéralisation du marché du travail. La science économique nous enseigne que l'entreprise est le moteur de la croissance : il est donc inutile de réécrire l'histoire, mieux vaut en appliquer la leçon.
Ce qui m'amène à réclamer un débat SR vs Charles Gave sur au moins le sujet du Japon sur BFM/Radio.
Les points de vue de ces 02 auteurs sont apparemment divergents alors qu'ils appartiennent à la même famille de pensée.
Je me trompe ?
Rédigé par : Razilta | 25 février 2013 à 04:51
M. Sorman vous devriez contactez Nicolas Doze pour aller sur son emission de BFM Business qui s'appelle "Les Experts", de 9h à 10h.
Si possible le Mardi, afin que vous apportiez la contradiction à Alain Madelin, Jean-Pierre Petit, Charles Gave et Jean-Marc Daniel ! Si on ajoutait Nicolas Baverez sur ce même plateau, alors on aurait les 6 meilleurs économistes de France !
Une telle émission serait une anthologie économique !
Rédigé par : pervasiveliberalism | 25 février 2013 à 12:31
J'ai 3 remarques à faire sur votre texte
1) C'est bien beau de faire baisser sa monnaie et de faire tourner la planche à billet. Mais quel est l'impact sur la dette extérieure du pays ?
Les américains s'amusent à imprimer du papier, tout contents qu'ils sont d'arnaquer le monde. Mais quand on regarde les effets sur l'ampleur de
leur dette extérieure, on peut se dire que c'est l'arroseur arrosé, et que ce qu'ils gagnent en exportations ils le perdent en facture
énergétique et en dette publique...
Rédigé par : pervasiveliberalism | 25 février 2013 à 12:58
2) Vous dites que la baisse de l'économie Japonaise est dûe à la baisse de la population... Mais est-ce un mal que la population baisse
quand elle atteint un trop plein par rapport aux ressources et à la quantité d'espace vital disponible ? C'est du déclin et alors ? Une fois que la population aurait
été réduit au 3/4 alors les Japonais pourront refaire des enfants et leur économie va repartir. Si la population diminue, alors moins besoin de magasins, moins besoin
de produits, moins besoin de restaurants... Et alors ? Pourquoi faudrait-il toujours croitre, toujours plus... Et après les gens on les met où ? On fait la guerre aux voisins
pour conquérir de l'espace vital ?
Rédigé par : pervasiveliberalism | 25 février 2013 à 13:00
On exploite toujours plus les ressources de la terre, de la mer. Et quand il n'y aura plus de poisson dans la mer ou plus de terres
cultivables sur terre, on fait quoi ? On continue à faire croitre sa population quitte à ce qu'elle crève de faim ou qu'il y ait 40% de chomeurs ?
Même les loups savent adapter leur reproduction par rapport aux ressources alimentaires disponibles. Et les êtres humains ne sauraient pas faire
ce que les loups savent faire ?
L'économie Japonaise diminue du fait de la baisse de quantité de travail, du au fait de la baisse de sa population. Oui, et alors ?
Ou est le problème ?
Rédigé par : pervasiveliberalism | 25 février 2013 à 13:00
@ pervasiveliberalism
Je vais me permettre de répondre. ^^
1) Je n'ai pas compris que M. Sorman disait que la planche à billets était une bonne solution... bien au contraire, c'est à ranger dans les "lubies".
2) G. Sorman constate juste pourquoi l'économie japonaise est dans la situation actuelle... Il n'y a pas de "jugement de valeur". Sauf erreur de ma part, il ne s'exclame pas "il faut impérativement de la croissance" !
3) Je ne vois pas la différence avec le point 2...
Bref. Vous êtes complètement HS !
Rédigé par : Xavier | 26 février 2013 à 04:53
test
Rédigé par : pervasiveliberalism | 26 février 2013 à 13:33
OK, on dirait que les posts trop gros ne passent pas. Je vai devoir faire court pour mon 3).
Rédigé par : pervasiveliberalism | 26 février 2013 à 13:33
Le point n°3 n'a pas pu passer à cause d'un bug de ce blog. J'y disais que des immigrés qui n'ont pas la discipline des Japonais auraient du mal à garder leur sang froid devant un tremblement de terre. Les Japonais se marchent dessus dans le métro et on voudrait encore faire venir des gens supplémentaire ?
Rédigé par : pervasiveliberalism | 26 février 2013 à 13:34
Les Japonais arrivent à vivre ensemble sans embrouilles, les rues sont propres, les métros sont propres, et vous voulez faire venir des immigrés pour qu'il y ait des bastons dans les rues, que les métros soient des poubelles. Je ne vois pas en quoi l'immigration apporterait une solution dans un pays avec une promiscuité et une densité de population aussi élevée que celle du Japon.
Rédigé par : pervasiveliberalism | 26 février 2013 à 13:34
Les 8 meilleurs économistes de France :
- Guy Sorman
- Alain Madelin
- Jean-Pierre Petit
- Jean-Marc Daniel
- Charles Gave
- Nicolas Baverez
- Emmanuel LeChypre
- Philippe de Sertine
Une émission télévisée avec ces gars là, ce serait le pied intégral !
Rédigé par : pervasiveliberalism | 26 février 2013 à 13:56