Pour consulter le blog de Guy Sorman, merci de cliquer sur le lien ci-dessous :
http://www.hebdo.ch/les-blogs/sorman-guy-le-futur-cest-tout-de-suite
Parution le 15 mars 2012
Paru le 2 novembre 2009
Traductions
Corée
Corée
Inde
Etats-Unis
Chine
Pologne
Etats-Unis
Argentine
Corée
Espagne
Portugal
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01 mars 2013 à 15:25 | Lien permanent | Commentaires (4) | TrackBack (0)
Un témoignage parmi d'autres : le mien.
J'ai siégé pendant cinq ans aux côtés de Stéphane Hessel, à la Commission nationale des Droits de l'homme auprès du Premier Ministre. Hessel ne prenait la parole, quel que fut l'ordre du jour, que pour déblatérer avec virulence contre les Américains et les Israëliens. Sur le reste, il se taisait. Cette obsesssion étrange, mettait ses collègues dans l'embarras. Comme Hessel était juif, nous pensions que cette "haine de soi" relevait de la psychanalyse plus que de l'engagement politique.
28 février 2013 à 17:01 | Lien permanent | Commentaires (5) | TrackBack (0)
Le développement économique exige effort et continuité. Mais, souvent les peuples se lassent ; la classe politique et les commentateurs imaginent alors des raccourcis qui se subsisteraient à l'effort. L'histoire économique est ainsi un cimetière de gadgets, chemins de traverse illusoire qui jamais n'ont conduit à la croissance mais d'ordinaire la retardent. Pour mémoire, on citera le protectionnisme, la politique industrielle, la dévaluation compétitive, la banqueroute volontaire, le Grand bond en avant. Eh bien, rien de tout cela ne marche : le protectionnisme affaiblit l'innovation et favorise les rentiers, la politique industrielle conduit tout droit à la corruption, la dévaluation renchérit les importations et suscite le protectionnisme chez les partenaires commerciaux, la banqueroute interdit d'emprunter pour une génération, et le Grand bond en avant engendre la pauvreté de masse.
Ce rappel est nécessaire puisque la stagnation prolongée des économies occidentales rallume quelques-unes de ces vieilles lanternes : en économie, dix ans suffisent pour que tout le monde ait oublié les leçons du passé et s'apprête à réitérer les mêmes erreurs. La lubie du moment est de jouer sur les cours des monnaies de manière à doper les produits nationaux sur le marché mondial. Le gouvernement japonais est tenté par cette drogue et n'est-ce pas ce que font les Chinois depuis vingt ans ? En Europe aussi, on entend dire que l'Euro serait trop fort et que sa baisse nous tirerait d'affaire. Tout cela n'est que déni du réel.
Considérons la Chine. Nul ne connaît la juste valeur de la monnaie chinoise puisqu'elle n'est pas convertible : peut-être le Yuan libre augmenterait-il, mais certains envisagent qu'il baisserait. Ce n'est pas pour favoriser ses exportations que la Chine contrôle le Yuan, mais pour interdire aux Chinois d'investir à l'étranger. De plus, le Yuan ne cesse de renchérir depuis cinq ans, sans que cela n'affecte les exportations chinoises : la valeur de la monnaie n'est donc pas la clé de la performance chinoise sur le marché mondial. Le succès tient à l'esprit d'entreprise : la capacité de fournir en masse à qualité constante, des produits relativement simples. La Chine est à peu près seule sur ce marché-là.
Considérons la monnaie japonaise. Une baisse du Yen ferait flamber le coût de l'énergie importée dont le Japon est de plus en plus tributaire : les prix à l'exportation ne pourraient donc pas baisser puisque les entreprises devraient incorporer le supplément payé pour l'énergie. En réalité, les entreprises japonaises sur le marché mondial sont souvent les seules à fournir des composants indispensables et irremplaçables : leur prix est un aspect secondaire pour les acheteurs. La stagnation japonaise, sans relation avec la monnaie, vient de ce que la population vieillit et diminue. La baisse de la quantité de travail au Japon explique la baisse de la production : la solution à terme serait de s'ouvrir à l'immigration, pas de faire baisser le Yen. La Corée du Sud sera bientôt confrontée à un choix similaire.
Ce qui nous conduit à l'Euro. Lorsqu'il était faible (il valait au départ 20% de moins que le Dollar US), on se plaignait en Europe de ce que la facture d'achat de pétrole et de gaz libellée en dollars était insupportable. Souhaiterait-on retourner à cette case départ ? Et vendrait-on plus avec un Euro faible ? Les Européens exportant en majorité vers d'autres pays européens, la valeur de la monnaie n'a évidemment aucun impact sur ce commerce-là. Pour le reste du monde, les exportations européennes ou nord-américaines jouent de moins en moins sur la valeur, et de plus en plus sur l'innovation, la qualité et le suivi commercial. Là encore, l'effet d'une dévalorisation de l'Euro serait nul sur le type de produits et services que l'Europe vend.
Ce qui nous ramène à l'effort et à la continuité. Le pire destin pour l'économie européenne serait de s'aventurer dans un chemin de traverse, d'abandonner les politiques de retour à l'équilibre des finances publiques et de libéralisation du marché du travail. La science économique nous enseigne que l'entreprise est le moteur de la croissance : il est donc inutile de réécrire l'histoire, mieux vaut en appliquer la leçon.
22 février 2013 à 18:15 | Lien permanent | Commentaires (11) | TrackBack (0)
Invité hier à Toulouse, par des étudiants de Sciences Po Toulouse et de l'Ecole supérieure de commerce, j'ai proposé quelques réflexions sur l'histoire du développement , rappelant que les pays pauvres ont commencé à sortir de la pauvreté, à partir des années 1980. Il est apparu à tous à cette époque que la pauvreté n'était pas la conséquence de l'impérialisme ( thése de Lénine ), ni d'une culture inadéquate ( thése de Max Weber ) et que l'aide n'était pas d'une grande utilité, ce que Peter Bauer avait expliqué dés les années 1950.
Mais plus intéressants que mon propos furent les conversations avec les étudiants: tous leurs professeurs d'économie sont Keynésiens ou marxistes et ne tiennent aucun compte ni de la réalité , ni des recherches en économie les plus récente. Ils enseignent quelques dogmes usés , voire proposent sur un même plan ce qui est avéré faux et ce qui est prouvé vrai. On n'est pas surpris mais je n'imaginais pas que la situatuion fut si grave.
Comme l'avait suggéré Pierre-André Chiappori, aprés avoir analysé les ouvrages d'économie dans les lycées, mieux vaudrait ne pas enseigner l'économie du tout, que d'enseigner ça!
21 février 2013 à 14:04 | Lien permanent | Commentaires (8) | TrackBack (0)
La ville de Nice a été le théâtre le week-end dernier de deux événements considérables : le Carnaval et un gigantesque colloque organisé par le Journal Marianne sur l'Argent. Ce qui fut le plus carnavalesque ? Le colloque certainement. Si l'on se souvient que le carnaval est la négation de la réalité, l'intelligentsia causante convoquée par Marianne respecta la tradition. Ce Barnum réunissait les habituels suspects, Alain Finkielkraut, Franz-Olivier Giesbert, Jean-Pierre Jouyet, Jean-François Kahn, quelques nouveaux ministres socialistes et votre serviteur (en alibi libéral, rôle approuvé depuis trente ans). Pourquoi l'Argent ? Parce qu'il manquerait en temps de récession ? Pas du tout : l'Argent, à en croire le thème imposé et la plupart des interventions - y compris celles d'un public très nombreux - envahirait la société française. Je croyais plutôt que l'Argent partait en Belgique !
Dans le débat qui m'opposait au très courtois Axel Kahn, passé de la génétique à la philosophie, tandis que son frère Jean-François se taisait parmi les spectateurs, il fut question de capitalisme et d'éthique. J'observai, mais en vain, que l'affaire Findus portait atteinte à la loi, tandis que le comportement des fonctionnaires à la tête d'EDF et de la SNCF qui dépensaient sans compter était, lui, vraiment immoral. Ce n'était donc pas les capitalistes qui rompaient l'éthique mais les représentants de l'Etat dans des entreprises non capitalistes et non concurrentielles. J'emportai un maigre succès.
Axel Kahn fut mieux suivi lorsqu'il nous expliqua que le monde était aux mains des néo-libéraux, des disciples de Hayek et du darwinisme social. Que la France soit le pays de l'OCDE où les prélèvements publics sont les plus considérables et augmentent, n'effleura pas Axel Kahn. Que la question du moment soit plutôt celle de la récession et du chômage et que les libéraux aient sur ce sujet quelques suggestions à faire, n'était pas à l'ordre du jour. En France, l'économie réelle ennuie tout le monde, surtout les intellectuels. Ou bien, on estime que la pensée magique peut et doit remplacer la réflexion économique. Il se trouvait, à Nice, un ministre pour expliquer que les Affaires étrangères allaient désormais se consacrer à l'augmentation des exportations : comme si le commerce était tiré par les ambassadeurs et non par le rapport qualité/prix de ce qui est offert à l'exportation.
Le Carnaval de Marianne à Nice eut été drôle si la situation du pays réel n'était pas tragique.
18 février 2013 à 11:51 | Lien permanent | Commentaires (17) | TrackBack (0)
La Cour des Comptes révèle les turpitudes des dirigeants d'EDF et de la SNCF : fêtes à Tanger, augmentations de salaires indues, fausses campagnes de publicité, etc. La cause est simple : des entreprises à monopole sans aucun contrôle ni interne, ni externe, pas de choix pour les consommateurs. Des dirigeants "capitalistes" pour des comportements similaires seraient en prison pour "Abus de bien social". Mais Pépy et Proglio seront certainement promus dans l'ordre de la Légion d'honneur.
Les médias qui dépendent de la publicité d'EDF et de la SNCF et de la bienveillance de l'Etat, préférent s'en prendre à Findus ou au pape : c'est sans risque.
Une révolte des citoyens et des consommateurs ? Il faudrait que les Français se réveillent.
La solution serait libérale : la concurrence. Mais Hollande explique que le libéralisme n'est pas français.
Jean-Baptiste Say, Tocqueville, Aron, expulsés !
12 février 2013 à 15:11 | Lien permanent | Commentaires (18) | TrackBack (0)
La démission du pape a ouvert les vannes à un déluge de commentaires peu chrétiens : il en ressort que Benoît n'aime pas les relations sexuelles hors mariage, ni le mariage pour tous, ni les femmes prêtres et qu'il ne démissionne que par politique. Nul n'envisage que le pape ait la foi, qu'il soit inspiré par le Saint-Esprit, et s'en réfère aux Ecritures plus qu'à l'air du temps. Nul n'envisage que son successeur sera désigné, non par les cardinaux mais par le Saint-Esprit qui inspire les cardinaux.
Je ne suis pas catholique mais j'admets qu'on puisse l'être et de ne pas tout juger à l'aune de mes propres convictions.
12 février 2013 à 10:14 | Lien permanent | Commentaires (11) | TrackBack (0)
En observant l'économie, on regarde souvent au mauvais endroit. On s'interroge sur les politiques monétaires, budgétaires, sociales, mais on laisse peut-être échapper l'essentiel. L'essentiel ? Le caractère dysfonctionnel de la plupart des Etats contemporains. Car la bonne santé des nations tient à un équilibre subtil entre le monde des entreprises et la puissance publique. Les entreprises, dans l'ensemble, sont convenablement gérées, utiles et efficaces : elles offrent des biens et services réels que la population attend. Ces entreprises y parviennent dans des conditions optimum parce qu'elles n'ont pas le choix : elles durent ou elles disparaissent. Sur les Etats ne pèse aucune de ces contraintes et jusque ces années récentes, ils n'étaient obligés à aucune règle de bonne gestion : l'apparition d'un nouvel acteur, le marché financier mondial, vient soudain d'introduire une contrainte qui est celle de l'équilibre budgétaire relatif. Mais cet équilibre peut être atteint en épuisant le contribuable et en étouffant l'économie : à l'évidence, on est loin encore d'une nouvelle harmonie entre l'Etat et les entreprises.
Celui qui, cette semaine, a attiré mon attention avec le plus d'acuité sur le caractère dysfonctionnel de l'Etat est un essayiste indien, ancien chef d'entreprise, Gurcharan Das : de New Delhi, il me fait observer que les Indiens travaillent et s'enrichissent surtout la nuit quand la bureaucratie publique dort : c'est un peu une métaphore. Il souhaiterait que sa nation puisse s'enrichir de jour aussi, avec un Etat qui ferait régner le droit et la justice, et gérerait des infrastructures décentes. Gurcharan Das, un libéral notoire qui a toujours combattu le socialisme d'Etat en Inde, admet aujourd'hui que, sans un Etat fonctionnel, son pays restera suspendu à mi-chemin entre misère et développement. En Chine, il observe qu'à l'inverse, l'Etat crée des infrastructures modernes mais que ce même Etat terrorise la population, ignore le droit et la justice : la Chine, faute d'un bon Etat, est également bloquée à mi-chemin entre misère et richesse.
En Europe de la même manière, toutes proportions gardées, les Etats se situent entre deux eaux : ils sont dans l'ensemble légitimes et respectueux du droit mais, dans leur fonctionnement, totalement archaïques. Les bureaucrates ont conservé des mœurs d'il y a un siècle, le management des ressources humaines est inconnu et la mesure de l'efficacité inexistante. On sait que toute entreprise gérée comme nos Etats ferait faillite. On sait aussi que cet archaïsme public est un fardeau collectif qui ne fait plus ni notre bonheur, ni notre prospérité. La solution n'est pas américaine car aux Etats-Unis, la puissance publique est devenue, à l'exception (partielle) de la Défense, aussi dysfonctionnelle qu'en Europe.
Cette contradiction, mortelle à terme, entre l'Etat et l'économie n'est pas inéluctable puisqu'il existe une région au moins, où la modernisation de l'Etat s'effectue : dans les pays scandinaves. En grande partie sous l'influence des cercles de pensée libéraux, les gouvernements du Nord sont parvenus à dissocier les buts et les moyens de l'Etat, l'Etat garant et l'Etat gérant. En clair, les Suédois, Danois, Norvégiens et Finlandais exigent de leurs Etats une sorte d'assurance générale contre les aléas de la vie en société, en cas de chômage, maladie, invalidité, etc. Des années 1930 à 1980, cette assurance fut garantie et gérée par les Etats ; depuis les années 1980, l'assurance reste garantie mais elle est le plus souvent gérée par des entreprises privées, à un meilleur prix, plus efficacement, avec esprit d'innovation. Le citoyen en est satisfait car peu lui importe qui gère et l'Etat est ramené à des proportions plus modestes, restitué à sa fonction originelle dite de "veilleur de nuit" dans le vocabulaire de l'économie classique.
On m'objectera que la culture scandinave est plus respectueuse des faits, plus empirique que la culture méditerranéenne portée sur les mythes et les envolées idéologiques. Il n'est pas certain que ce déterminisme culturel explique seul la reconstruction du Nord ; c'est aussi parce qu'ils côtoyèrent la faillite que les Etats scandinaves sont passés d'un Moyen-Age socialiste à une modernité libérale. En étant optimiste, on en conclura que, dans l'Europe du Sud (la France y appartient), la situation n'est pas encore assez grave pour déclarer l'Etat en péril ni le reconstruire sur des bases rationnelles. « Encore un moment Monsieur le bourreau », aurait dit Jeanne du Barry avant d'être guillotinée en 1793, la vie était si belle sous l'Ancien Régime. Les syndicats de la fonction publique font penser à la belle Comtesse, maîtresse de Louis XV.
08 février 2013 à 18:16 | Lien permanent | Commentaires (5) | TrackBack (0)
06 février 2013 à 12:46 | Lien permanent | Commentaires (5) | TrackBack (0)
Autour du mariage pour tous , belle trouvaille pour définir le mariage homosexuel, s'affrontent les deux France: pas la droite contre la gauche mais plutôt la France catholique contre la France laïque. C'est une vieille querelle qui remonte à la Révolution française. A l'autorité du Roi et de l' Eglise s'opposait alors une religion de substitution, le culte de la Raison qui devint ensuite celui de la laïcité. La laïcité n'est pas la neutralité, on le voit avec le foulard islamique, mais un ordre supérieur alternatif à celui de l' Eglise catholique.
Entre ces deux cultes, la violence a toujours été la norme, pas le débat. Quand l'Etat en 1905, se sépare de l' Eglise, la Gendarmerie vide les Eglises sous le prétexte d'en dresser l'inventaire: des échauffourées avec les fidèles firent des centaines de victimes. Bien des catholiques prirent leur revanche sous le régime de Vichy. Celui qui a le mieux incarné et décrit cette France-la, fut Charles Maurras: il se disait catholique mais pas chrétien, plus attaché à l'ordre qu'à la messe. Du coté des Républicains, c'est à un autre ordre que l'on s'attache , tout aussi autoritaire.
Le mariage est un ôtage de cette querelle. Car, au fonds, en quoi l'Etat devrait-il se mêler du mariage? Ne pourrait-on concevoir que le mariage soit un contrat civil entre adultes consentants ou un acte religieux ? Sa nature n'exige pas une sanctification par l' Etat sauf si l' Etat est sacré: ce qu'il prétend être en France. Le mariage sans l' Etat , j'en viens: mes grands -parents appartenaient à un monde, l' Empire austro -hongrois, où il était loisible de se marier devant une autorité religieuse, rien de plus. Le seul inconvénient , mineur, est que ma grand-mère portait le nom de sa mére , pas de son père. Sauf à l'office, où l'on lui restituait le nom de son pére: ils eurent six enfants dont ma mère.
Bref, un gouvernement vraiment attaché à la liberté du mariage devrait annoncer sa suppression en tant qu'acte administratif pour le restituer à la sphère privée; ce à quoi l'on assiste est clairement le contraire , une bataille pour le pouvoir de l' Etat sur les individus.
Mon propos apparaîtra pour ce qu'il est : ultra-libéral. Mais comme le disait Michel Foucault dans sa dernière leçon au Collège de France, la pensée libérale est une utopie mais elle est la seule qui propose une libération de l'individu contre les normes autoritaires que cherchent sans cesse, à imposer les socialistes à gauche et les conservateurs à droite. On devrait relire Foucault, en ce moment précis.
04 février 2013 à 10:36 | Lien permanent | Commentaires (17) | TrackBack (0)
À trop se focaliser sur les statistiques économiques à court terme, on risque de perdre de vue les tendances longues de nos sociétés et les renversements du monde. Si l'on écoute les commentateurs du quotidien et les marchands de prophétie à bon marché, l'Occident - nous assure-t-on - serait en crise et le siècle appartiendrait à l'Asie. On envisagera ici le contraire, non par esprit de contradiction mais parce que l'avenir des nations nous semble reposer sur des fondements plus durables que les cours de la Bourse, le taux du Libor, voire le taux de croissance de l'année. Ce qui dans la longue durée est essentiel ? L'état de droit et la paix, résultats de siècles de culture et d'expérience. Mais si on regarde vers l'Asie, en ce moment même, les risques de guerre sont réels, entre la Chine, le Japon, les deux Corée, Taïwan et le Viet Nam. La guerre n'est pas certaine, mais elle paraît envisageable dans une civilisation où il n'est pas de tradition de négocier et où il convient, avant tout, de ne pas perdre la face : pareille situation n'est pas de nature à attirer les investisseurs à long terme. L'état de droit en Asie ne progresse pas plus : la corruption en Chine mais en Inde aussi, décourage l'esprit d'entreprise, chez les entrepreneurs nationaux et plus encore internationaux. Quant aux salaires chinois qui ont contribué à désindustrialiser l'Occident, ils progressent vite et deviennent moins attractifs : le poids relatif du salaire dans les produits finis détermine de moins en moins la localisation d'une industrie.
Par contraste, les pays occidentaux retrouvent des couleurs : la paix y est ferme, la justice relativement équitable, le contrats respectés, la corruption pas inconnue mais minime. Et il se trouve, simultanément, que les innovations techniques récentes favorisent le regain de l'Occident. L'exploitation du gaz de schiste et le forage horizontal des réserves de pétrole, par exemple, restaurent l'indépendance énergétique de l'Occident, aux États-Unis, au Canada , en Europe : ils font baisser les prix de revient. La robotisation de la production industrielle, voire de certains services, et les avancées rapides de la reproduction en trois dimensions, réduisent la part salariale dans les coûts à telle enseigne que les délocalisations ne confèrent plus un avantage décisif. Pour toutes ces raisons, on envisagera une relocalisation et une ré-industrialisation en Occident : l'avantage relatif de la production de masse au loin décline chaque jour, ce dont Chinois et Indiens se rendent compte. Dans le sens de la relocalisation, militent aussi les exigences de qualité et de rapidité chez les consommateurs. S'y ajoutent les exigences des chercheurs en technologie industrielle qui constatent que l'on innove plus vite quand on contrôle toutes les étapes de la production plutôt que de s'en tenir éloignés.
Ce regain envisageable de l'Occident pourrait évidemment être brisé par des politiques économiques maladroites, de celles qui découragent les innovateurs et les entrepreneurs : une fiscalité excessive, des pesanteurs bureaucratiques insupportables, des normes idéologiques anti-progrès (comme le refus français d'exploiter le gaz de schiste) et des spéculations suicidaires comme celles qui ont failli détruire le système financier et bancaire mondial.
Mais, au total, la confiance devrait revenir en Occident parce que les tendances que nous avons recensées plus haut, ce que l'on appelle l'histoire longue, finiront par l'emporter sur les lubies politiciennes, les idéologies de circonstances et le catastrophisme. Parions donc, sans risque excessif, que le siècle à venir sera occidental et le restera aussi longtemps que l'état de droit et la paix y seront la norme ; les pays émergents, on le regrette, en restent encore fort éloignés.
22 janvier 2013 à 20:33 | Lien permanent | Commentaires (33) | TrackBack (0)
22 janvier 2013 à 20:28 | Lien permanent | Commentaires (1) | TrackBack (0)
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